Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (Lien Legifrance, JO 24/10/2018)
Les principales dispositions (présentation plus détaillée)
La loi vise à renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale par trois voies : elle renforce les moyens d'investigation permettant de détecter la fraude ; elle complète et aggrave l'arsenal des sanctions existant, notamment dans une logique plus large de publicité qui, par l'effet de réputation qu'elle induit, peut jouer un rôle de dissuasion fort ; elle renforce la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale. Cette loi qui vise ceux se soustrayant sciemment à leurs obligations contributives est présentée par le gouvernement comme le complément de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance qui admet qu'à cause de la complexité du système de prélèvements fiscaux et sociaux, une erreur ou un oubli peut être commis de bonne foi et appelle l'administration à un traitement bienveillant.
Elle prévoit que des officiers fiscaux judiciaires peuvent être affectés au sein du ministère chargé du budget, complémentairement aux moyens dont dispose la police judiciaire du ministère de l'intérieur. Le but est ainsi de renforcer les outils de l'État pour détecter et déjouer les fraudes les plus complexes.
Les moyens dont disposent les agents des douanes pour lutter contre les logiciels dits « permissifs », conçus pour permettre et dissimuler la fraude, sont renforcés à l'instar de ceux dont bénéficient déjà les agents de la direction générale des finances publiques.
Le droit d'accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en matière de comptes de dépôt de valeurs mobilières, de titres et espèces et de contrats d'assurance de capitalisation, notamment les contrats d'assurance vie, ainsi qu'aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés, est élargi : aux agents des organismes sociaux, aux assistants spécialisés détachés ou mis à disposition par l'administration fiscale, aux agents de contrôle de l'inspection du travail et aux agents des douanes.
Les obligations fiscales et sociales imposées aux plateformes d'économies collaboratives (obligation d'information des utilisateurs depuis 2017, et de déclaration à l'administration des revenus réalisés par ces derniers à compter de 2019), sont précisées afin d'assurer une meilleure intelligibilité de la loi pour les plateformes et une meilleure exploitabilité des données collectées par l'administration pour améliorer ses capacités de détection de la fraude.
La communication des données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunication et par certains prestataires est étendue à de nouvelles situations comme la recherche des abus de marché par les enquêteurs ou la recherche des délits de contrebande de produits prohibés ou de tabacs par des agents des douanes.
La peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale, précédemment prononcées de manière facultative par le juge répressif, s'applique désormais par défaut. La jurisprudence du Conseil constitutionnel empêche toutefois qu'elle devienne automatique.
Est instituée une sanction administrative complémentaire des sanctions financières existantes, consistant à rendre publics les rappels d'impôts et les sanctions administratives pécuniaires dont ils ont été assortis, une fois devenus définitifs. La publication est effectuée sur le site Internet de l'administration fiscale pendant une durée qui ne peut excéder un an. Sont visées les fraudes les plus graves parmi celles n'ayant pas fait l'objet de poursuites pénales. Cette publication porte sur la nature et le montant des droits fraudés et des amendes et majorations appliquées, la dénomination du contribuable ainsi que, le cas échéant, l'activité professionnelle et le lieu d'exercice de cette activité. La décision de publication est prise par l'administration après avis conforme et motivé d'une commission.
Une sanction administrative, exclusive des sanctions pénales, est créée contre les personnes qui concourent, par leurs prestations de services, à l'élaboration de montages frauduleux ou abusifs en matière fiscale ou de sécurité sociale.
Est rendue pérenne la possibilité accordée au gouvernement, jusque là à titre expérimental, d'autoriser l'administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu'elle lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement à certaines règles fiscales ou un manquement aux obligations déclaratives.
La répression pénale des délits de fraude fiscale est aggravée : le montant des amendes peut être porté au double du produit tiré de l'infraction pour les personnes physiques et pour les personnes morales.
Le procureur de la République peut désormais recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière de fraude fiscale.
Les sanctions douanières applicables en cas d'injures, de maltraitance ou encore de troubles à l'exercice des fonctions des agents des douanes, ainsi qu'en cas de refus de communication des documents demandés, sont renforcées : le montant de l'amende encourue est porté à 3 700 euros. Le montant minimal de l'astreinte pécuniaire prononcée par l'autorité judiciaire en cas de refus de communication de documents, aujourd'hui plafonnée à 1,50 euro par jour est porté à 150 euros par jour.
La lutte contre le trafic de tabacs est renforcée par plusieurs mesures. Ainsi, par exemple, est réputée détenir des tabacs manufacturés à des fins commerciales toute personne qui transporte dans un moyen de transport individuel ou collectif plus de : 1° Huit cents cigarettes ; 2° Quatre cents cigarillos, c'est-à-dire de cigares d'un poids maximal de trois grammes par pièce ; 3° Deux cents cigares, autres que les cigarillos ; 4° Un kilogramme de tabac à fumer.
La liste française des États et territoires non coopératifs (ENTC) en matière fiscale est complétée afin d'intégrer celle adoptée par l'Union européenne en décembre 2017 actualisée. Ainsi, les transactions effectuées depuis ou vers les États et territoires non coopératifs inscrits sur la liste européenne seront également soumises à des mesures fiscales dissuasives ainsi que des obligations et contrôles renforcés, afin de renforcer les moyens de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Les agents des finances publiques sont déliés du secret professionnel à l'égard du procureur de la République avec lequel ils peuvent échanger des informations couvertes par ce secret indépendamment de l'existence d'une plainte ou d'une dénonciation ou d'une procédure judiciaire en cours.
Le "verrou de Bercy" est réduit par la réécriture de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales : lorsque l'administration comme elle est tenue de le faire, dénonce au procureur de la République certains faits qu'elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle, l'action publique pour l'application des sanctions pénales est exercée sans plainte préalable de l'administration.
Lorsque l'administration a déposé une plainte tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de TVA et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre ou dénoncé les faits au procureur de la République, l'action publique peut être exercée sans nouvelle plainte ou dénonciation en cas de découverte de faits de fraude fiscale concernant le même contribuable et portant sur d'autres impôts ou taxes ou sur une période différente.
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Plan de la loi
Titre IER : RENFORCER LES MOYENS ALLOUÉS À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE, SOCIALE ET DOUANIÈRE (art. 1er à 15)
Titre II : RENFORCEMENT DES SANCTIONS DE LA FRAUDE FISCALE, SOCIALE ET DOUANIÈRE (art. 16 à 35)
Titre III : RÉFORME DE LA PROCÉDURE DE POURSUITE PÉNALE DE LA FRAUDE FISCALE (art. 36 à 38)
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : fiscalité et finances publiques / sécurité sociale et action sociale
Voir aussi :
Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance - CE ass. gen. Avis 22 mars 2018 Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude n° 394440 - CC 27 septembre 2019 Association française des entreprises privées [Dénonciation obligatoire au procureur de la République de certains faits de fraude fiscale n° 2019-804 QPC - Ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019 relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration