Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (Lien Legifrance, JO 14/11/2014, p. 19162)
Les principales dispositions
La loi crée un dispositif d'interdiction de sortie du territoire (art. 1er insérant l'art. L. 224-1 dans le code de la sécurité intérieure). Tout Français peut faire l'objet d'une interdiction de sortie du territoire lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette : 1° Des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ; 2° Ou des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l'intérieur pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. Elle peut être renouvelée par décision expresse et motivée, les renouvellements consécutifs d'une interdiction initiale ne peuvent porter la durée globale d'interdiction au-delà de deux années. La décision et ses renouvellements peuvent être faire l'objet d'un recours en annulation devant le tribunal administratif. Dès notification de l'interdiction de sortie du territoire, la personne concernée est tenue de restituer son passeport et sa carte nationale d'identité. Un récépissé valant justification de son identité est remis à la personne concernée en échange. Le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation d'une interdiction de sortie du territoire est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
Lorsque l'autorité administrative constate que les données recueillies à l'occasion de déplacements internationaux (systèmes de réservation, cartes d'embarquement de passagers, etc. ) permettent d'identifier une personne faisant l'objet d'une interdiction de sortie du territoire mentionnée à l'article L. 224-1, elle notifie à l'entreprise de transport concernée, par un moyen tenant compte de l'urgence, une décision d'interdiction de transport de cette personne (art. 1er insérant l'art. L. 232-8 dans le code de la sécurité intérieure).
La loi crée un dispositif d'interdiction administrative du territoire (art. 2 insérant les art L. 214-1 à L. 214-7 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Tout ressortissant étranger peut, dès lors qu'il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, faire l'objet d'une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait :La décision d'interdiction du territoire prise par le ministre de l'intérieur peut justifier un refus d'entrée. Lorsque l'étranger qui fait l'objet d'une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être reconduit d'office à la frontière.
- en raison de son comportement personnel, du point de vue de l'ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société (ressortissants d'un Etat membre de l'UE et assimilés ou tout membre de la famille d'une telle personne)
- une menace grave pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France (autres étrangers)
Elle renforce les mesures d'assignation à résidence en prévoyant que cette mesure peut être assortie par l'autorité compétente pour la prononcer d'une interdiction de se trouver en relation avec une personne nommément désignée lorsque l'étranger a été condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou à l'encontre duquel un arrêté d'expulsion a été prononcé pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste (art. 3 insérant l'art. L. 563-1 dans le CESEDA). La violation de cette interdiction est sanctionnée dans les conditions prévues à l'article L. 624-4 du CESEDA.
Elle renforce les mesures répressives. Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende (art. 5 insérant l'art. 421-2-5 dans le code pénal). Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est modifiée dans le même sens.
Elle définit l'acte de terrorisme et le punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende (art. 6 insérant l'art. 421-2-6 et modifiant son art. L. 421-2-5). Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission de l'une des infractions indiquées dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et qu'elle est caractérisée par deux éléments matériels distincts : 1° Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ; 2° Et l'un des autres faits matériels suivants : a) Recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ; b) S'entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l'utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d'aéronefs ou à la conduite de navires ; c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ; d) Avoir séjourné à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes.
L'arrêt d'un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus à l'article 421-2-5 du code pénal (provocation directe à des actes de terrorisme ou apologie publique de ces actes) lorsqu'ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir (art. 8 insérant l'art. 706-23 dans le code de procédure pénale).
Elle renforce les moyens de prévention et d'investigations par diverses dispositions.
Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs le justifient, l'autorité administrative peut demander aux éditeurs de service de communication en ligne et aux hébergeurs de tels services de retirer ces contenus (art. 12 insérant l'article 6-1 dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004). Elle en informe simultanément les fournisseurs d'accès. En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de vingt-quatre heures, l'autorité administrative peut notifier aux fournisseurs d'accès la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne en contravention. Ces personnes doivent alors empêcher sans délai l'accès à ces adresses. L'autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste à une personnalité qualifiée, désignée en son sein par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour la durée de son mandat dans cette commission. La personnalité qualifiée s'assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d'établissement, de mise à jour, de communication et d'utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l'autorité administrative d'y mettre fin. Si l'autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête. En outre, l'autorité administrative peut notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421-2-5 et 227-23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, "lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne".
Les officiers de police judiciaire peuvent dans les conditions de perquisition accéder par un système informatique implanté dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie à des données intéressant l'enquête en cours et stockées dans un autre système informatique que celui implanté dans les lieux de perquisition, si ces données sont accessibles à partir du système initial (art. 13).
Elle complète les infractions commises à l'encontre d'un système de traitement automatisé de données en ajoutant à celles d'introduction, de modification et de suppression frauduleuses, l'extraction, la détention, la reproduction, et la transmission frauduleuses de données (art. 16 modifiant l'article 323-3 du code pénal)
Les peines en cas d'infractions commises à l'encontre d'un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l'Etat sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 € d'amende lorsque les infractions sont commises en bande organisée (art. 17 insérant l'art. 323-4-1 dans le code pénal).
La loi détermine la procédure applicable aux infractions constitutives d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données (art. 18 rétablissant l'art. 706-72 dans le code de procédure pénale).
Elle étend le champ d'application de l'enquête sous pseudonyme (« cyberpatrouille » ou « cyberinfiltration ») à l'ensemble des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, dès lors que ces infractions sont préparées, facilitées ou commises par un moyen de communication électronique (art. 19 insérant l'art. 706-87 dans le code de procédure pénale). Elle étend aussi ce type d'enquête aux infractions constituées d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.
En cas de menace pour la sécurité nationale, l'autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d'aérodromes étrangers la mise en œuvre de mesures de sûreté dont la durée d'application ne peut excéder trois mois (art. 23 insérant l'art. L. 6341-4 dans le code des transports). Ces mesures peuvent être reconduites dans les mêmes conditions.
Un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales est établi par décret en Conseil d'Etat (art. 24 insérant l'art. L. 434-1 dans le code de la sécurité intérieure)
La loi ratifie plusieurs ordonnances relatives au code de la sécurité intérieure et aux armes et munitions (art. 24).
Elle habilite sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour appliquer et adapter les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, ainsi que pour permettre l'assignation à résidence sur l'ensemble du territoire de la République d'un étranger expulsé ou interdit du territoire, quel que soit le lieu où ces décisions ont été prononcées (art. 26).
Plan de la loi
Chapitre Ier : Création d'un dispositif d'interdiction de sortie du territoire (art. 1er)
Chapitre II : Création d'un dispositif d'interdiction administrative du territoire (art. 2)
Chapitre III : Renforcement des mesures d'assignation à résidence (art. 3)
Chapitre IV : Renforcement des dispositions de nature répressive (art. 4 à 8)
Chapitre V : Renforcement des moyens de prévention et d'investigations (art. 9 à 25)
Chapitre VI : Dispositions relatives à l'outre-mer (art. 26 à 28)
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : défense, police, sécurité civile / droit, justice et professions juridiques / médias, télécommunications, informatique
Commentaires
SÉGUR Philippe, Le terrorisme et les libertés sur l'internet (comment. loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme), AJDA, 2015, 2 février, pp. 160-165.
Voir aussi :
Décret n° 2015-26 du 14 janvier 2015 relatif à l'interdiction de sortie du territoire des ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l'étranger - Décret n° 2015-174 du 13 février 2015 portant amélioration des échanges d'information dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Décret n° 2015-253 du 4 mars 2015 relatif au déréférencement des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique