Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales (loi Taubira) (Lien Legifrance, JO 17/08/2014, p. 13647)
Les principales dispositions
Les fonctions de la peine sont ainsi définies : "Afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner l'auteur de l'infraction ; 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion" (art. 1er ajoutant l'art. 130-1 dans le code pénal).
Le principe d'individualisation des peines est affirmé (art. 2 complétant l'article 132-1 du code pénal). Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1.
En matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate (art. 3 modifiant l'article 132-19 du code pénal).
Le bureau de l'exécution des peines (BEX) est consacré (art. 4 rétablissant l'art. 709-1 dans le code de procédure pénale). Dans chaque tribunal de grande instance et dans chaque cour d'appel, il est institué un bureau de l'exécution des peines, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret. Ce bureau est notamment chargé de remettre à toute personne condamnée présente à l'issue de l'audience du tribunal correctionnel un relevé de condamnation pénale mentionnant les peines qui ont été prononcées. Ces dispositions entrent en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.
La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine dans un nouveau cas : à l'égard d'une personne physique lorsqu'il apparaît nécessaire d'ordonner à son égard des investigations complémentaires sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale, lesquelles peuvent être confiées au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à une personne morale habilitée (art. 5 ajoutant un paragraphe dans le code pénal, art. 132-70-1 et s.). Dans ce cas, elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine. La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d'ajournement. Lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine, elle peut octroyer immédiatement à la victime des dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif. Quand il prononce l'ajournement de la peine aux fins d'investigations sur la personnalité, le tribunal peut également placer ou maintenir la personne déclarée coupable sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique, ou, en détention provisoire.
La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l'égard d'une personne en la soumettant à l'obligation de consigner une somme d'argent en vue de garantir le paiement d'une éventuelle peine d'amende (art. 6 ajoutant l'art. 132-70-3 dans le code pénal). Elle détermine le montant de cette consignation et le délai dans lequel celle-ci doit être déposée au greffe, qui ne saurait être supérieur à un an. Elle peut prévoir que cette consignation est effectuée en plusieurs versements, selon un échéancier qu'elle détermine. Elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine. La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai d'un an après la décision d'ajournement.
Les peines minimales prévues pour les récidivistes et les auteurs de violences aggravées sont supprimées (art. 7 supprimant les art. 132-18-1, 132-19-1 et 132-19-2 du code pénal et modifiant son article 132-20-1).
Une nouvelle obligation est susceptible d'être imposée au condamné par la juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines, celle de s'inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire, le cas échéant après avoir suivi des leçons de conduite (art. 9 complétant l'article 132-45 du code pénal).
Une nouvelle interdiction est susceptible d'être imposée par le juge de l'application des peines à un condamné à un sursis avec mise à l'épreuve, celle de prendre part à des jeux d'argent et de hasard (art. 10 complétant le 10° de l'article 132-45 du code pénal).
Lorsqu'une condamnation mentionnée à l'article 723-15 du code pénal (peine inférieure ou égale à deux ans) n'a pas été mise à exécution dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle est devenue définitive, le condamné est convoqué devant le juge de l'application des peines, préalablement à la mise à exécution de la condamnation, afin de déterminer les modalités d'exécution de sa peine les mieux adaptées aux circonstances, à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale (art. 17 insérant l'art. 723-17-1 dans le code pénal). Cette convocation suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution.
Le code de procédure pénale est complété par des dispositions portant sur la justice restaurative (art. 18 ajoutant l'art. 10-1 dans le CPP). À l'occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l'exécution de la peine, la victime et l'auteur d'une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative c'est-à-dire permettant à une victime ainsi qu'à l'auteur d'une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l'infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu'après que la victime et l'auteur de l'infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l'autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l'administration pénitentiaire.
Une nouvelle peine dite de contrainte pénale, applicable en matière correctionnelle, est introduite dans l'échelle des peines prévue par le code pénal (art. 19 insérant un article 131-4-1 dans le CPP). Elle consiste en un suivi intensif en milieu ouvert (accompagnement socio-éducatif individualisé du condamné) et se distingue de la peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve par le fait qu'elle n'est pas une peine dérivée de la peine d'emprisonnement. Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale. La contrainte pénale emporte pour le condamné l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société. Dès le prononcé de la décision de condamnation, la personne condamnée est astreinte, pour toute la durée d'exécution de sa peine, aux mesures de contrôle prévues à l'article 132-44. Les obligations et interdictions particulières auxquelles peut être astreint le condamné sont : 1° Les obligations et interdictions prévues à l'article 132-45 en matière de sursis avec mise à l'épreuve ; 2° L'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général ; 3° L'injonction de soins, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu'une expertise médicale a conclu qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un traitement.
Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet un rapport au Parlement étudiant la possibilité de sanctionner certains délits d'une contrainte pénale à titre de peine principale, en supprimant la peine d'emprisonnement encourue, et évaluant les effets possibles d'une telle évolution sur les condamnations prononcées ainsi que ses conséquences sur la procédure pénale (art. 20).
Les modalités de mise en œuvre de la contrainte pénale prévoient notamment que le service pénitentiaire d'insertion et de probation évalue la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée à la contrainte pénale (art. 22 complétant le CPP par un titre, art. 713-42 à 713-47).. Au vu du rapport établi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le juge de l'application des peines détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné, ainsi que les mesures d'aide dont il bénéficie.
Une contrainte pénale ne peut être prononcée à l'encontre d'un mineur.(art. 23 modifiant l'art. 20-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante).
Les droits de la victime au cours de l'exécution de la peine sont énumérés (art. 24 modifiant l'article 707 du code de procédure pénale). Elle a le droit : 1° De saisir l'autorité judiciaire de toute atteinte à ses intérêts ; 2° D'obtenir la réparation de son préjudice, par l'indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s'il y a lieu, en se voyant proposer une mesure de justice restaurative ; 3° D'être informée, si elle le souhaite, de la fin de l'exécution d'une peine privative de liberté, dans les cas et conditions prévus ; 4° A la prise en compte, s'il y a lieu, de la nécessité de garantir sa tranquillité et sa sûreté. L'autorité judiciaire est tenue de garantir l'intégralité de ces droits tout au long de l'exécution de la peine, quelles qu'en soient les modalités.
Lorsqu'une condamnation à une peine d'emprisonnement concernant une femme enceinte de plus de douze semaines doit être mise à exécution, le procureur de la République ou le juge de l'application des peines s'efforcent par tout moyen soit de différer cette mise à exécution, soit de faire en sorte que la peine s'exécute en milieu ouvert (art. 25 insérant l'art. 708-1 dans le CPP)..
Dans chaque tribunal de grande instance, il est institué un bureau d'aide aux victimes, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret (art. 26 ajoutant l'art. 706-15-4 dans le CPP).
Il est décidé que lorsque l'auteur de l'infraction a été condamné au paiement de dommages et intérêts et que la part des valeurs pécuniaires affectée à l'indemnisation des parties civiles n'a pas été réclamée, ces valeurs sont, lorsqu'elles sont supérieures à un montant fixé par décret et sous réserve des droits des créanciers d'aliments, versées au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à la libération du condamné (art. 27 complétant l'art. 728-1 du code de procédure pénale).
Il est désormais spécifié que le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la justice, avec le concours des autres services de l'État, des collectivités territoriales, des associations et d'autres personnes publiques ou privées (art. 30 ajoutant l'art. 2-1 dans la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire). Chacune de ces autorités et de ces personnes veille, en ce qui la concerne, à ce que les personnes condamnées accèdent aux droits et dispositifs de droit commun de nature à faciliter leur insertion ou leur réinsertion. Des conventions entre l'administration pénitentiaire et les autres services de l'État, les collectivités territoriales, les associations et d'autres personnes publiques ou privées définissent les conditions et modalités d'accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs mentionnés au deuxième alinéa en détention.
Des dispositions visent à renforcer les pouvoirs de la police et de la gendarmerie en cas de violation de ses obligations par une personne sous main de justice Ainsi, par exemple, les services de police et les unités de gendarmerie peuvent après avoir recueilli l'accord du juge d'instruction ou sur instruction de ce magistrat, procéder à une perquisition chez une personne qui, placée sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, est soumise à l'interdiction de détenir une arme, lorsqu'il existe des indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement à son domicile (art. 34 ajoutant l'art. 141-5. dans le CPP)..
Tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, les officiers de police judiciaire peuvent recourir à la transaction pénale pour sanctionner certaines infractions telles que les délits punis uniquement d'une peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus (art. 35 ajoutant l'art. 41-1-1 dans le code de procédure pénale).
Le rôle des instances locales de sécurité et de prévention de la délinquance en matière d'exécution des peines et de prévention de la récidive est consacré (art. 36 insérant l'art. L. 132-10-1 dans le code de la sécurité intérieure). Au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance (CDPD) et des zones de sécurité prioritaires, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle du partenariat identifieront les personnes condamnées sortant de détention pour lesquelles le risque de manquement aux obligations imposées par le juge est considéré comme le plus élevé et que les forces de police et de gendarmerie devront plus spécifiquement surveiller . Au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance et, le cas échéant, de la zone de sécurité prioritaire, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure sont chargés d'animer et de coordonner, sur leur territoire, les actions conduites par l'administration pénitentiaire, les autres services de l'État, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées, en vue de favoriser l'exécution des peines et prévenir la récidive.
Les députés et les sénateurs sont informés, à leur demande, par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, constitué dans la circonscription électorale dans laquelle ils ont été élus, de la tenue et de l'objet des réunions de ces instances (art. 37 insérant l'art. L. 132-16 dans le code de la sécurité intérieure). Ils peuvent assister aux réunions de ces instances et être consultés par elles sur toute question concernant la prévention de la délinquance. »
La situation des personnes condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée inférieure ou égale à cinq ans est obligatoirement examinée aux deux tiers de leur peine ("procédure d'examen obligatoire") afin d'apprécier s'il y a lieu qu'elles bénéficient d'une libération sous contrainte ou "sortie encadrée" (art. 39 ajoutant l'art. 720 dans le code de procédure pénale). La libération sous contrainte entraîne l'exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le juge de l'application des peines, de la semi-liberté, du placement à l'extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle.
Une procédure e mise en liberté pour motif médical est instituée au bénéfice des personnes placées en détention provisoire (art. 50 insérant l'article 147 dans le code de procédure pénale). En toute matière et à tous les stades de la procédure, sauf s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction, la mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d'office ou à la demande de l'intéressé, lorsqu'une expertise médicale établit que cette personne est atteinte d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention. La mise en liberté des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement ne peut être ordonnée en application du présent article.
Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement la juridiction peut prononcer, à la place de l'emprisonnement, l'interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique (art. 52 complétant l'art. 131-6 du code pénal).
Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur son évaluation, en particulier sur la mise en œuvre de la contrainte pénale (art. 56).
Plan de la loi
TITRE IER DISPOSITIONS VISANT À ASSURER LE PRONONCÉ DE PEINES EFFICACES ET ADAPTÉES (art. 1 à 23)
Chapitre IER Principes généraux concernant les peines encourues et le prononcé des peines (art. 1 à 4)
Chapitre II Dispositions visant à assurer le prononcé de peines individualisées (art. 5 à 18)
Section 1 Dispositions favorisant l'ajournement de la peine afin d'améliorer la connaissance de la personnalité ou de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu (art. 5 et 6)
Section 2 Dispositions favorisant le recours aux modes de personnalisation de la peine (art. 7 à 17)
Chapitre III Dispositions relatives à la justice restaurative (art. 18)
Chapitre IV Dispositions instituant la contrainte pénale (art. 19 à 23)
TITRE II DISPOSITIONS VISANT À PRÉCISER LE RÉGIME DE L'EXÉCUTION DES PEINES ET À RENFORCER LE SUIVI ET LE CONTRÔLE DES PERSONNES CONDAMNÉES (art. 24 à 49)
Chapitre IER Principes régissant la mise en œuvre des peines (art. 24 à 29)
Chapitre II Dispositions relatives à la prise en charge des personnes condamnées (art. 30 et 31)
Chapitre III Dispositions relatives aux missions du service public pénitentiaire dans le suivi et le contrôle des personnes condamnées (art. 32 et 33)
Chapitre IV Dispositions visant à renforcer les pouvoirs de la police et de la gendarmerie en cas de violation de ses obligations par une personne sous main de justice (art. 34 à 38)
Chapitre V Dispositions assurant un retour à la liberté contrôlé, suivi et progressif des personnes condamnées (art. 39 à 48)
Chapitre VI Dispositions visant à instaurer une contribution pour l'aide aux victimes (art. 49)
TITRE III DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ POUR MOTIF MÉDICAL (art. 50 et 51)
TITRE IV DISPOSITIONS DIVERSES (art. 52 à 56)
Décision du Conseil Constitutionnel
CC 7 août 2014 Loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Rubriques : pénal et pénitentiaire / droit, justice et professions juridiques
Voir aussi :
Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire - Décret n° 2015-1272 du 13 octobre 2015 pris pour l'application des articles 41-1-1 du code de procédure pénale et L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure