Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (Lien Legifrance, JO 07/12/2013, p. 19941)
Les principales dispositions
La loi de 68 articles (73 articles avant la décision du Conseil constitutionnel) modifie principalement le code de procédure pénale, le code pénal, le code général des impôts et le code des douanes ainsi que le livre des procédures fiscales (LPF).
TITRE IER DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET FISCALE (art. 1er à 33)
Chapitre Ier Atteintes à la probité (art. 1er à 6)Chapitre II Blanchiment et fraude fiscale (art. 7 à 20)
- Possibilité reconnue aux associations de lutte contre la corruption agréée et déclarées depuis plus de cinq ans de se constituer partie civile notamment pour les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, les infractions de corruption et de trafic d'influence et les infractions de recel ou de blanchiment (art. 1er insérant l'article 2-23 dans le code de procédure pénale).
- Allongement de 10 à 15 ans de la durée maximale de l'interdiction temporaire d'exercer une activité commerciale ou industrielle pouvant être infligée (art. 2 modifiant l'art. 131-27 du code pénal).
- Pour les personnes morales en état de récidive le montant maximum de l'amende applicable est doublé (art. 4 modifiant les art. 132-12, 132-13 et 132-14 du code pénal)
- Bénéfice de règles pénales particulières pour les "repentis" du blanchiment, de la corruption active ou passive, du trafic d'influence. Ces personnes qui ont tenté de commettre ces infractions ou en sont les auteurs ou les complices sont dispensées de peine privative de liberté ou bénéficient d'une réduction de la peine de moitié selon qu'elles ont permis d'éviter la réalisation de l'infraction ou de faire cesser l'infraction, et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices (art. 5 complétant le code pénal par les articles 324-6-1, 432-11-1, 433-2-1, 434-9-2. 435-6-1 et 435-11-1).-
- Alourdissement de la peine maximale d'amende pouvant être infligée en cas de concussion et de prise illégale d'intérêts, de corruption active ou passive, d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public : elles peuvent être portées au double du produit tiré de l'infraction (art. 6 modifiant les art. 432-10, 432-12, ... du code pénal).
Chapitre III Saisie et confiscation des avoirs criminels (art. 21 à 28)
- Pour l'application de l'article 324-1 du code pénal définissant et réprimant le blanchiment, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus (art. 8 insérant l'art. 324-1-1 dans le code pénal).
- Renforcement de la répression des fraudes fiscales complexes : élargissement du champ des circonstances aggravantes prévues pour les sanctions pénales du délit de fraude fiscale et du délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives ; relèvement du montant des amendes applicables dans le cas de telles circonstances aggravantes (art. 9 modifiant l'article 1741 du code général des impôts).
- Avant ou après la délivrance du numéro individuel d'identification d'assujetti à la TVA prévu à l'article 286 ter du code général des impôts, l'administration peut demander des informations complémentaires pour statuer sur l'attribution ou le maintien de cet identifiant ainsi que tout élément permettant de justifier de la réalisation ou de l'intention de réaliser des activités économiques (art. 10 insérant un article L. 10 BA livre des procédures fiscales).
- Institution d'un registre public des trusts (art. 11 complétant l'article 1649 AB du code général des impôts). Il recense nécessairement les trusts déclarés, le nom de l'administrateur, le nom du constituant, le nom des bénéficiaires et la date de constitution du trust. Ce registre est placé sous la responsabilité du ministre chargé de l'économie et des finances.
- Aggravation de la sanction de l'administrateur d'un trust en cas de manquement aux obligations déclaratives (art. 12 modifiant l'article 1736 du CGI).
- Précisions sur la composition de la commission des infractions fiscales prévue à l'article L. 228 du livre des procédures fiscales (art. 13 modifiant l'article 1741 A du CGI).
- Détermination des cas dans lesquels l'administration ne peut transiger sur les amendes fiscales ou les majorations d'impôts : a) Lorsqu'elle envisage de mettre en mouvement l'action publique pour les infractions mentionnées au code général des impôts ; b) Lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle (art. 15 complétant l'art. L. 247 LPF). Chaque année, le ministre chargé du budget publie un rapport sur l'application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l'administration fiscale (art. 15 rétablissant l'article L. 251 A LPF).
- Renforcement de la coopération entre l'administration fiscale et les autorités judiciaires : obligation pour l'administration fiscale de transmettre à la justice, dans un délai de six mois et dans tous les cas lors de la clôture du dossier au plan administratif, les éléments concernant les suites fiscales données aux informations que le ministère public avait transmises à l'administration fiscale à l'occasion d'une instance devant les juridictions civiles ou criminelles (art. 17 complétant l'art. L. 82 C LPF).. Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public.
- Obligation pour les entreprises ou les opérateurs qui conçoivent ou éditent des logiciels de comptabilité, de gestion ou des systèmes de caisse ou interviennent techniquement sur les fonctionnalités de ces produits affectant, directement ou indirectement, la tenue des écritures au livre-journal de présenter à l'administration fiscale, sur sa demande, tous codes, données, traitements ou documentation qui s'y rattachent (art. 20 insérant l'article L. 96 J dans le LPF).
Chapitre IV Autres dispositions renforçant l'efficacité des moyens de lutte contre la délinquance économique et financière (art. 29 à 33)
- Les personnes morales condamnées pour blanchiment encourent outre l'amende et les peines prévues (dissolution, interdiction d'exercer, placement sous surveillance judiciaire, etc.), la confiscation de tout ou partie de leurs biens ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, de ceux dont elles ont la libre disposition (art. 21 complétant l'article 324-9 du code pénal).
- La décision définitive de confiscation d'une somme ou d'une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie, prononcée par une juridiction pénale, entraîne de plein droit la résolution judiciaire du contrat et le transfert des fonds confisqués à l'État (art. 22 complétant le code des assurances, le code la mutualité et le code de la sécurité sociale respectivement par les articles L. 160-9, L. 223-29 et L. 932-23-2).
- Précision sur la peine de confiscation en valeur : elle peut être exécutée sur tous biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition (art. 23 complétant l'article 131-21 du code pénal).
- Possibilité pour les services désignés comme bureau de recouvrement des avoirs français, aux fins de dépistage et d'identification des biens meubles ou immeubles susceptibles de faire l'objet d'un gel, d'une saisie ou d'une confiscation ordonnés par une autorité judiciaire compétente ou de servir au recouvrement d'une telle confiscation, d'échanger avec les autorités étrangères compétentes des informations qui sont à leur disposition, soit qu'ils les détiennent, soit qu'ils peuvent les obtenir, notamment par consultation d'un traitement automatisé de données, sans qu'il soit nécessaire de prendre ou solliciter une réquisition ou toute autre mesure coercitive (art. 28 ajoutant une nouvelle section dans le code de procédure pénale : art. 695-9-50 et s.). Cette coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États membres en matière de dépistage et d'identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le crime est faite en application de la décision 2007/845/JAI du Conseil du 6 décembre 2007.
TITRE II PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE FISCALE ET FINANCIÈRE (art. 34)
- Aggravation des peines d 'emprisonnement et d'amendes en cas de réalisation ou facilitation de certaines infractions au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger (art. 30 compétant les art. L. 241-3 et L. 242-6 du code du commerce). Les infractions concernées sont le fait, pour les gérants d'une Sarl, d'une part, et pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme, d'autre part, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.
- Extension de la compétence des agents de catégories A et B à la recherche et au constat des délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation de diverses infractions(art. 31 complétant l'art. 28-1 du code de procédure pénale).
Remise chaque année par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur la mise en œuvre, en matière de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, des conventions de coopération judiciaire signées par la France (art. 34). TITRE III DES LANCEURS D'ALERTE (art. 35 et 36)TITRE IV DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES ET DOUANIÈRES (art. 37 à 61)
- Protection de la vie professionnelle des lanceurs d'alerte tant salariés de droit privé que fonctionnaires, ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions (art. 35 insérant l'art. L. 1132-3-3 dans le code du travail et l'article 6terA dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).
- Possibilité pour la personne qui a signalé un délit ou un crime commis dans son entreprise ou dans son administration d'être mise en relation, à sa demande, avec le service central de prévention de la corruption lorsque l'infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service (art. 36 insérant l'art. 40-6 dans le code de procédure pénale).
TITRE V DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE (art. 62 à 71)
- Droit pour l'administration fiscale ou douanière de ne pas écarter les informations qu'elle reçoit dans le cadre des procédures fiscales et douanières, au seul motif de leur origine, donc y compris lorsque ces informations sont d'origine illicite (art. 37 et 39 complétant respectivement le livre des procédures fiscales par l'art. L. 10-0 AA. et le code des douanes par l'art. 67 E).
- Possibilité d'exercer la saisie à tiers détenteur sur les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d'un contrat d'assurance rachetable, y compris si la possibilité de rachat fait l'objet de limitations, dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de la saisie (art. 41 complétant notamment l'art. 273 A du LPF).
- Possibilité pour les agents des douanes et les agents de l'administration en matière de contributions indirectes de solliciter toute personne qualifiée dont l'expertise est susceptible de les éclairer pour l'accomplissement de leurs missions (art. 42 insérant l'art. 67 quinquies A dans le code des douanes et l'art. L. 103 B dans le LPF).
- Plafonnement global à 10 000 euros du montant des sanctions à l'opposition à la prise de copie de documents soumis au droit de communication de l'administration, le montant de l'amende étant de 1500 euros pour chaque document (art. 44 complétant l'article 1734 du code général des impôts).
- Les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière de taxes présentant un lien de connexité peuvent être déposées par un seul des services compétent pour le dépôt de l'une de ces plaintes (art. 46 modifiant l'article L. 229 du livre des procédures fiscales).
- Le délai de prescription de l'action en recouvrement (quatre ans) est allongé de deux années pour les redevables établis dans un État non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (art. 47 complétant l'art. L. 274 du LPF).
- Lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal (art. 49 complétant l'art. 64 du code des douanes et modifiant l'art. L. 38 LPF). Cette obstruction est passible d'une amende. Les agents des douanes peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie, ainsi qu'à la restitution de ce dernier et de sa copie.
- Obligation pour l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l'Autorité des marchés financiers de communiquer aux services fiscaux les documents qu'elles détiennent (art. 52 insérant les art. L. 84 D et L. 84 E dans le LPF).
- Allongement de trois à six ans du délai pendant lequel l'administration fiscale peut déposer une plainte pour fraude fiscale à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise (art. 53 modifiant l'art. L. 230 LPF).
- Instauration de sanctions en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à une mise en demeure de produire certains éléments déclaratifs relatifs aux actionnaires, aux filiales et aux participations (art. 61 complétant l'article 1763 du code général des impôts prévoyant une amende de 1 500 euros, ou 10 % des droits rappelés si ce dernier montant est plus élevé, pour chaque manquement constaté par personne ou groupement de personnes au titre d'un exercice sous certaines conditions et art. 61 rétablissant un article 1763 A prévoyant une amende de même montant, « pour chaque manquement constaté par entité au titre d'un exercice » lorsque le défaut de réponse ou la réponse partielle porte sur la déclaration).
Chapitre Ier Dispositions modifiant le livre IV du code de procédure pénale (art. 62 à 68)Chapitre II Dispositions modifiant le code de l'organisation judiciaire (art. 69)
- Institution de juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique : extension de la compétence d'un TGI au ressort de plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement des infractions (art. 63 modifiant l'article 704 du code de procédure pénale).
- Des compétences particulières sont attribuées au tribunal de grande instance de Paris et au procureur de la République financier . Ce dernier exerce une compétence concurrente à celle du procureur de la République pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certains délits en matière économique et financière, notamment, « dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent » (art. 65 insérant notamment l'art. 705 dans le code de procédure pénale). Le procureur de la République financier et les juridictions d'instruction et de jugement de Paris ont seuls compétence pour la poursuite, l'instruction et le jugement des délits d'atteinte à la transparence des marchés.
- Possibilité de recourir en matière de fraude fiscale aux techniques spéciales d'enquête ou d'instruction réservées à la criminalité organisée et à la grande délinquance économique et financière, sauf en matière de garde à vue dont la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel (art. 66 ).
Chapitre III Dispositions transitoires et de coordination (art. 70 et 71)
- Institution auprès du tribunal de grande instance de Paris, aux côtés du procureur de la République, d'un procureur de la République financier (art. 69 complétant le code de l'organisation judiciaire par les articles L. 217-1 et s.). Par dérogation, le procureur de la République financier, en personne ou par ses substituts, exerce le ministère public auprès du tribunal de grande instance de Paris pour les affaires relevant de ses attributions. Les dispositions législatives du code de l'organisation judiciaire faisant mention du procureur de la République ne sont applicables au procureur de la République financier que si elles le prévoient expressément.
TITRE VI DISPOSITIONS FINALES (art. 72 à 73)Décision du Conseil Constitutionnel
- Détermination des conditions d'application de la loi dans les collectivités situées outre-mer (art. 72).
- Entrée en vigueur du titre V de la loi (Dispositions relatives aux juridictions spécialisées en matière économique et financière) à une date fixée par décret et au plus tard le 1er février 2014.
CC 4 décembre 2013 Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Rubriques : pénal et pénitentiaire / fiscalité et finances publiques / capitaux, banques et assurances
Voir aussi :
Loi organique n° 2013-1115 du 6 décembre 2013 relative au procureur de la République financier - CC 21 octobre 2016 Mme Helen S. [Registre public des trusts] n° 2016-591 QPC