Loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (Lien Legifrance, JO 31/07/2021)
Les principales dispositions
La loi renforce les mesures de prévention d'actes de terrorisme.
Chapitre Ier : Dispositions renforçant la prévention d'actes de terrorisme (Articles 1 à 8)
L'article 1er supprime la limitation de la durée d'application - au 31 juillet 2021 - des chapitres VI à X du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure (abrog. du II de l'article 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme). Il pérennise ainsi les dispositions permettant l'institution des périmètres de protection (procédure Grand évènement)), la fermeture de lieux de culte représentant un risque en matière de terrorisme, la prise de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), ainsi que celles relatives aux visites et saisies aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme. Les MICAS consistent notamment dans les obligations suivantes pouvant viser toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics : ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune; se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour; déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation; être placé sous surveillance électronique mobile, ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées.
L'article 3 étend la mesure de fermeture d'un lieu de culte aux locaux dépendant du lieu de culte dont la fermeture est prononcée et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'ils seraient utilisés aux mêmes fins pour faire échec à l'exécution de cette mesure. La fermeture de ces locaux prend fin à l'expiration de la mesure de fermeture du lieu de culte (ajout à l'art. L. 227-1 du code de la sécurité intérieure.
L'article 4 complète les articles L. 228-2, L. 228-4 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure relatifs aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance afin de permettre au ministre de l'intérieur d'interdire à une personne de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés, situés au sein d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune, et dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Une telle interdiction ne peut être ordonnée qu'en tenant compte de la vie familiale et professionnelle de la personne. L'allongement à vingt-quatre mois de la durée maximale des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ayant été retoqué par le Conseil constitutionnel, cette durée reste de douze mois.
L'article 5 complète l'article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure pour prévoir que lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l'accès aux données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la visite, mention en est faite au procès-verbal et il peut alors être procédé à la saisie de ces supports.
L'article 6 complète le code de procédure pénale par une section instituant une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion applicable aux auteurs d'infractions terroristes, décidée à l'issue de leur peine en considération de leur particulière dangerosité, afin de les soumettre à certaines obligations, en vue de prévenir la récidive et d'assurer leur réinsertion (art. 706-25-16. et s.). Elle impose à une personne condamnée pour certaines infractions terroristes de respecter, à l'issue de sa peine, une ou plusieurs des obligations ou interdictions suivantes : répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du service pénitentiaire d'insertion et de probation ; communiquer à ce service les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ; exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; établir sa résidence en un lieu déterminé ; ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; respecter les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique, destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté, le cas échéant, au sein d'un établissement d'accueil adapté dans lequel elle est tenue de résider. La mesure n'est applicable que si quatre conditions cumulatives sont réunies. La personne doit avoir été condamnée à une peine privative de liberté pour avoir commis une infraction terroriste mentionnée aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l'exclusion des infractions relatives à la provocation au terrorisme et à l'apologie de celui-ci. La durée de la peine prononcée doit avoir été d'au moins cinq ans ou, en cas de récidive légale, d'au moins trois ans. La personne condamnée doit avoir été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion. Elle doit présenter, à la fin de l'exécution de sa peine, une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion. La mesure judiciaire, qui fixe ces obligations et interdictions, ne peut être ordonnée que si elle apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive et assurer la réinsertion de la personne. Elle ne peut s'appliquer aux personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire ou faisant l'objet d'une mesure de surveillance judiciaire, de surveillance de sûreté ou de rétention de sûreté. Cette mesure est décidée par le tribunal de l'application des peines de Paris. D'une part, elle est prise au vu d'un avis motivé de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, chargée d'évaluer la dangerosité de la personne et sa capacité à se réinsérer au moins trois mois avant la date prévue pour sa libération. À cette fin, cette commission demande son placement, pour une durée d'au moins six semaines, dans un établissement spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues, afin de réaliser une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité. D'autre part, le tribunal statue à la suite d'un débat contradictoire et, si la personne le demande, public, au cours duquel elle est assistée par un avocat. La décision d'appliquer cette mesure doit être spécialement motivée au regard des conclusions de l'évaluation réalisée par la commission pluridisciplinaire. Elle est susceptible d'appel. Cette mesure est ordonnée pour une durée maximale d'un an. Elle peut, après avis de la commission pluridisciplinaire, être renouvelée pour la même durée, dans la limite de cinq ans ou de trois ans lorsque la personne est mineure, sous réserve de l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires qui justifient précisément un tel renouvellement.
L'article 7 insère un article. L. 3211-12-7.dans le code de la santé publique prévoyant qu'aux seules fins d'assurer le suivi d'une personne qui représente une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics en raison de sa radicalisation à caractère terroriste, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police ainsi que les représentants de services de renseignement peuvent, lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, se voir communiquer les données d'identification de cette personne et les données relatives à sa situation administrative portées à la connaissance du représentant de l'Etat dans le département d'hospitalisation ou, à Paris, du préfet de police, lorsque ces données sont strictement nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. Ces mêmes données ne peuvent être communiquées lorsqu'elles sont antérieures de plus de trois ans à la date de levée de la mesure de soins sans consentement.
Chapitre II : Dispositions relatives au renseignement (Articles 9 à 23)
L'article 9 prévoit que lorsqu'un service spécialisé de renseignement ou un service désigné par décret en Conseil d'Etat obtient, à la suite de la mise en œuvre d'une technique mentionnée, des renseignements utiles à la poursuite d'une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil, il peut les transcrire ou les extraire pour le seul exercice de ses missions, dans la limite des finalités mentionnées à l'article L. 811-3 du CSI (ajout à l'article L. 822-3 du CSI)..
L'article 10 autorise aux seules fins de recherche et de développement en matière de capacités techniques de recueil et d'exploitation des renseignements et à l'exclusion de toute utilisation pour la surveillance des personnes concernées, les services spécialisés de renseignement à conserver au delà des durées prévues les renseignements (ajout à l'art. L 8222-2 du CSI). Cette conservation est opérée dans la mesure strictement nécessaire à l'acquisition des connaissances suffisantes pour développer, améliorer et valider les capacités techniques de recueil et d'exploitation. Le service du Premier ministre peut aussi conserver les renseignements dans les mêmes conditions (ajout de l'art. L. 822-2-1 dans le CSI).
L'article 13 ajoute un article L. 852-3 dans le CSI prévoyant jusqu'au 31 juillet 2025 que pour les seules finalités prévues aux 1°, 2°, 4° et 6° de l'article L. 811-3, peut être autorisée l'utilisation, par les services spécialisés de renseignement et les services mentionnés à l'article L. 811-4, d'un appareil ou d'un dispositif technique mentionné au 1° de l'article 226-3 du code pénal afin d'intercepter des correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire, lorsque cette interception ne peut être mise en œuvre sur le fondement du I de l'article L. 852-1 du code, pour des raisons techniques ou pour des motifs de confidentialité faisant obstacle au concours des opérateurs ou des personnes mentionnés. Par dérogation, l'autorisation est délivrée pour une durée maximale de trente jours, renouvelable dans les mêmes conditions de durée. Elle vaut autorisation de recueil des informations ou documents mentionnés à l'article L. 851-1 associés à l'exécution de l'interception et à son exploitation.
L'article 17 complète l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques pour prévoir notamment que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver :
1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l'identité civile de l'utilisateur, jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ;
2° Pour les mêmes finalités, les autres informations fournies par l'utilisateur lors de la souscription d'un contrat ou de la création d'un compte ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la fin de validité de son contrat ou de la clôture de son compte ;
3° Pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les données techniques permettant d'identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la connexion ou de l'utilisation des équipements terminaux.
En outre, pour des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale, lorsqu'est constatée une menace grave, actuelle ou prévisible, contre cette dernière, le Premier ministre peut enjoindre par décret aux opérateurs de communications électroniques de conserver, pour une durée d'un an, certaines catégories de données de trafic, en complément de celles mentionnées au 3° ci-dessus et de données de localisation précisées par décret en Conseil d'Etat. L'injonction du Premier ministre, dont la durée d'application ne peut excéder un an, peut être renouvelée si les conditions prévues pour son édiction continuent d'être réunies. Les données conservées par les opérateurs en application de l'article L. 34-1 peuvent faire l'objet d'une injonction de conservation rapide par les autorités disposant, en application de la loi, d'un accès aux données relatives aux communications électroniques à des fins de prévention et de répression de la criminalité, de la délinquance grave et des autres manquements graves aux règles dont elles ont la charge d'assurer le respect, afin d'accéder à ces données.
L'article 18 complète l'article L. 821-1 du CSI pour prévoir que la mise en œuvre sur le territoire national d'une technique de recueil de renseignement mentionnée est soumise à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et que si cet avis est négatif, le Conseil d'Etat est immédiatement saisi par le président de la commission ou, à défaut, par l'un des membres de la commission. La formation spécialisée du Conseil d'Etat, le président de la formation restreinte ou le membre qu'il délègue statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de cette saisine. La décision d'autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d'Etat ait statué, sauf en cas d'urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate.
L'article 20 complète le code de procédure pénale par un article 706-105-1 prévoyant que, par dérogation, le procureur de la République de Paris peut, pour les procédures d'enquête ou d'instruction entrant dans le champ d'application de l'article 706-72-1, communiquer aux services de l'Etat mentionnés, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l'exercice de leur mission en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information. Si la procédure fait l'objet d'une information, cette communication ne peut intervenir que sur avis favorable du juge d'instruction. Le juge d'instruction peut également procéder à cette communication, dans les mêmes conditions et pour les mêmes finalités pour les procédures d'information dont il est saisi, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République de Paris. Par dérogation, le procureur de la République de Paris peut, pour les procédures d'enquête ou d'instruction relevant de la compétence des juridictions mentionnées au dernier alinéa de l'article 706-75 et portant sur les infractions mentionnées aux 3°, 5°, 12° et 13° de l'article 706-73 ainsi que sur le blanchiment de ces infractions, communiquer aux services spécialisés de renseignement ainsi qu'à d'autres services, de sa propre initiative ou à la demande de ces services, des éléments de toute nature figurant dans ces procédures et nécessaires à l'exercice des missions de ces services au titre de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées. Si la procédure fait l'objet d'une information, cette communication ne peut intervenir que sur avis favorable du juge d'instruction. Le juge d'instruction peut également procéder à cette communication, dans les mêmes conditions et pour les mêmes finalités que celles mentionnées, pour les procédures d'information dont il est saisi, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République de Paris.
Chapitre III : Dispositions relatives à la lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord et présentant une menace (Article 24)
L'article 24 complète l'article L. 33-3-1 du code des postes et des communications électroniques pour prévoir que l'utilisation par les services de l'Etat de dispositifs destinés à rendre inopérant l'équipement radioélectrique d'un aéronef circulant sans personne à bord est autorisée, en cas de menace imminente, pour les besoins de l'ordre public, de la défense et de la sécurité nationales ou du service public de la justice ou afin de prévenir le survol d'une zone en violation d'une interdiction prononcée dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 6211-4 du code des transports.
Chapitre IV : Dispositions relatives aux archives intéressant la défense nationale (Article 25)
L'article 25 modifie en particulier l'article L. 213-2 du code du patrimoine afin notamment de prolonger la période au terme de laquelle certains documents d'archives publiques deviennent communicables de plein droit, à l'expiration d'un délai de cinquante ans à compter de la date du document, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée.
Chapitre V : Dispositions relatives aux outre-mer (Articles 26 à 35)
Ce chapitre précise les conditions, modalités et limitations d'application de la présente loi dans les outre-mer
Sommaire de la loi
Chapitre Ier : Dispositions renforçant la prévention d'actes de terrorisme (Articles 1 à 8)
Chapitre II : Dispositions relatives au renseignement (Articles 9 à 23)
Chapitre III : Dispositions relatives à la lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord et présentant une menace (Article 24)
Chapitre IV : Dispositions relatives aux archives intéressant la défense nationale (Article 25)
Chapitre V : Dispositions relatives aux outre-mer (Articles 26 à 35)
Décision du Conseil Constitutionnel
CC 30 juillet 2021 Loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement n° 2021-822 DC
Rubriques : défense, police, sécurité civile / médias, télécommunications, informatique
Voir aussi :
Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme - Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice - Décrets n° 2022-358 et 2022-359 du 14 mars 2022 relatifs à la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion