Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (Lien Legifrance, JO 05/08/2018)

Les principales dispositions
    La loi a pour objet de renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes notamment lorsque les victimes sont des mineurs.

Titre Ier : DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES (art. 1er à 10)
Chapitre Ier : Dispositions relatives à la prescription (art. 1er)
    L'article 1er établit une règle plus rigoureuse de prescription de l'action publique pour les crimes de nature sexuelle mentionnés à l'article 706-47 du code de procédure pénale, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs en prévoyant un délai de trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers (ajout à l'art. 7 du code de procédure pénale).

Chapitre II : Dispositions relatives à la répression des infractions sexuelles sur les mineurs (art. 2 à 10)
    L'article 2 précise les infractions sexuelles en indiquant que lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur, la contrainte morale ou la surprise, qui caractérisent le viol ou les agressions sexuelles, peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur (modification de l'art. 222-22-1). Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes. Il est à rappeler qu'aux termes de l'article 222-22 du même code "constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise". 

    L'article 2 notamment modifie l'article 227-25 du code pénal pour prévoir désormais que hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle, le fait, par un majeur, d'exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. Il précise ainsi la rédaction de cet article et alourdit les peines.

    L'article 3 incrimine le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle et prévoit les peines de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende (insertion de l'art. 222-30-1 dans le code pénal). Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende. Le même article aggrave la peine pour viol, les autres agressions sexuelles autres que le viol et l'exhibition sexuelle lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. (ajouts aux art. 222-24, 222-28 et 222-32).

    L'article 4 ajoute à la politique de prévention du handicap des actions de sensibilisation, de prévention et de formation concernant les violences, notamment sexuelles, à destination des professionnels et des personnes en situation de handicap ainsi que de leurs aidants (modification de l'article L. 114-3 du code de l'action sociale et des familles).

    L'article 5 alourdit les peines encourues par la personne n'empêchant pas un crime ou un délit contre l'intégrité corporelle ou ne portant pas assistance, sans risque pour elle-même ou pour les tiers lorsque la victime est un mineur de 15 ans (ajout à l'art. L. 222-6 du code pénal).

    L'article 6 ajoute les présidents d'EPCI à la liste des responsables de fonctions exécutives locales pouvant être destinataires par l'intermédiaire du préfet d'informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) pour des décisions administratives concernant des activités ou des professions qui impliquent un contact avec des mineurs (ajout à l'article 706-53-7 du code de procédure pénale).

    L'article 7 aggrave à 20 ans la peine de réclusion criminelle encourue en cas de viol commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l'auteur (ajout à l'art. 222-24).

    L'article 8 prévoit que le schéma régional de santé comprend un programme relatif à la prévention des violences sexuelles et à l'accès aux soins des victimes de ces violences (ajout à l'article L. 1434-2 du code de la santé publique).

    L'article 9 prévoit que dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au parlement un rapport sur les dispositifs locaux d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, permettant à ces victimes d'être accompagnées et de réaliser les démarches judiciaires au sein même des centres hospitaliers universitaires.

    L'article 10 établit pour les écoles, les collèges et les lycées une obligation de sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles et à la formation au respect du non-consentement (ajout à l'article L. 121-1 du code de l'éducation).

Titre II : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉLITS DE HARCÈLEMENT SEXUEL ET DE HARCÈLEMENT MORAL (art. 11 à 14)
    L'article 11 intègre dans le harcèlement sexuel les propos ou comportements à connotation sexiste (modification de l'art. 222-33 du code pénal). Il étend la définition du harcèlement sexuel et du harcèlement moral aux agissements concertés. Ces infractions sont ainsi constituées : 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ; 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. La commission des infractions par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique est constituée en circonstance aggravante.

    L'article 12 complète la formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques dans les écoles par une sensibilisation sur l'interdiction du harcèlement commis dans l'espace numérique, la manière de s'en protéger et les sanctions encourues en la matière (ajout à l'article L. 312-9 du code de l'éducation).

    L'article 13 aggrave le quantum de la peine encourue pour certaines infractions lorsqu'elles sont commises a) Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ; b) Alors qu'un mineur assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. Il s'agit notamment des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (art. 222-7 du code pénal), des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité (art. 222-9) et des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (art. 222-11). La circonstance qu'un mineur était présent au moment des faits et y a assisté, est une circonstance aggravante du viol (art. 222-24) et des autres agressions sexuelles (art. 222-28).

Titre III : DISPOSITIONS RÉPRIMANT L'OUTRAGE SEXISTE (art. 15 à 18)
    L'article 15 crée une nouvelle incrimination, l'outrage sexiste définit comme le fait, hors certains cas prévus par le code pénal, d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (insertion de l'art. 621-1). L'outrage sexiste est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Cette contravention peut faire l'objet des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'amende forfaitaire, y compris celles concernant l'amende forfaitaire minorée. Dans certaines circonstances l'outrage sexiste est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. Il en est ainsi lorsqu'il est commis :1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 2° Sur un mineur de quinze ans ; 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ; 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ; 7° En raison de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime. Les personnes coupables des contraventions encourent également les peines complémentaires suivantes : 1° L'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes ; 2° L'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de citoyenneté ; 3° L'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ; 4° L'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et les violences sexistes ; 5° Dans le cas d'un outrage sexiste puni d'une amende 5e classe, un travail d'intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures. 

    L'article 16 incrimine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait d'user de tout moyen afin d'apercevoir les parties intimes d'une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu'il est commis à l'insu ou sans le consentement de la personne (insertion d'un art. 226-3-1 dans le code pénal). Ces faits sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende en cas de circonstances aggravantes (mineur, abus d'autorité,...).

    L'article 17 ajoute aux missions de l'aide sociale à l'enfance celle de veiller au repérage et à l'orientation des mineurs victimes ou menacés de violences sexuelles, notamment des mineures victimes de mutilations sexuelles (ajout à l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles).

    L'article 18 porte sur le délai de deux ans pour demander de rescision de la vente pour cause de lésion : il supprime l'alinéa prévoyant notamment que ce délai court contre les femmes mariées, les absents, les majeurs en tutelle et les mineurs venant du chef d'un majeur qui a vendu.

Titre IV : ÉVALUATION (art. 19)
    L'article 19 prévoit que le gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport sur la politique publique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes les enfants, les femmes et les hommes.

Titre V : DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER (art. 20)
    L'article 20 rend la loi applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Plan de la loi
Titre Ier : Dispositions renforçant la protection des mineurs contre les violences sexuelles (art. 1er à 10)
Chapitre Ier : Dispositions relatives à la prescription (art. 1er)
Chapitre II : Dispositions relatives à la répression des infractions sexuelles sur les mineurs (art. 2)
Titre II : Dispositions relatives aux délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral (art. 11 à 14)
Titre III : Dispositions réprimant l'outrage sexiste (art. 15 à 18)
Titre IV : Évaluation (art. 19)
Titre V : Dispositions relatives à l'outre-mer (art. 20)

    GLOSSAIRE :  harcèlement sexuel - harcèlement moral    

Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel

Rubrique :  pénal et pénitentiaire

Voir aussi :
CE ass gén avis 15 mars 2018 Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs n° 394437 - Décret n° 2018-1020 du 22 novembre 2018 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « plate-forme de signalement des violences à caractère sexuel et sexiste »


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