Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant (Lien Legifrance, JO 15/03/2016)
Les principales dispositions
Issue d'une proposition parlementaire, la loi comprend 49 articles répartis en trois titres.
Titre Ier : Améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance (art. 1er à 8)
L'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles qui définit l'objectif de la protection de l'enfance est réécrit : son contenu est amplifié et précisé (art. 1er). Il est ainsi indiqué que : "La protection de l'enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. / Elle comprend des actions de prévention en faveur de l'enfant et de ses parents, l'organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l'enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. Une permanence téléphonique est assurée au sein des services compétents. / Les modalités de mise en œuvre de ces décisions doivent être adaptées à chaque situation et objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l'enfant, en sa présence, et s'appuyer sur les ressources de la famille et l'environnement de l'enfant. Elles impliquent la prise en compte des difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives et la mise en œuvre d'actions de soutien adaptées en assurant, le cas échéant, une prise en charge partielle ou totale de l'enfant. Dans tous les cas, l'enfant est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité."
Un Conseil national de la protection de l'enfance est institué auprès du Premier ministre (art. 1er modifiant l'article L. 112-3 du CASF). Il est chargé de proposer au gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l'enfance, de formuler des avis sur toute question s'y rattachant et d'en évaluer la mise en œuvre.
En lien avec le schéma d'organisation sociale et médico-sociale prévu pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux prenant en charge des mineurs et des majeurs de moins de 21 ans, un protocole est établi dans chaque département par le président du conseil départemental avec les différents responsables institutionnels et associatifs amenés à mettre en place des actions de prévention en direction de l'enfant et de sa famille, notamment avec les caisses d'allocations familiales, les services de l'Etat et les communes (art. 2 insérant l'art. L. 112-5 dans le CASF). Il définit les modalités de mobilisation et de coordination de ces responsables autour de priorités partagées pour soutenir le développement des enfants et prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives.
L'établissement d'un bilan annuel des formations continues délivrées dans le département et le recensement des besoins en formation des personnels de la protection de l'enfance sont ajoutés aux missions incombant aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE)(art. 3 complétant l'article L. 226-3-1 du code de l'action sociale et des familles). Les conditions dans lesquelles les ODPE réalisent cette mission seront définies par décret. L'objectif de cette disposition est de contribuer à rendre effective l'obligation légale de formation des professionnels prévue à l'article L. 542-1 du code de l'éducation, qui demeure très insuffisamment mise en oeuvre.
Le président du conseil départemental informe sans délai le représentant de l'Etat dans le département de tout événement survenu dans un établissement ou service qu'il autorise, dès lors qu'il est de nature à compromettre la santé, la sécurité, l'intégrité ou le bien-être physique ou moral des enfants accueillis (art. 4 complétant l'article L. 313-13 du CASF).
Le directeur de l'établissement d'enseignement informe les collectivités territoriales et les autorités concernées par la protection de l'enfance des mesures prises dans l'établissement scolaire contre l'absentéisme et le décrochage scolaire et en retour il doit être informé par elles du soutien dont il peut bénéficier (art. 5 complétant l'article L. 131-8 du code de l'éducation).
L'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) est transformé en « Observatoire national de la protection de l'enfance » (ONPE), tête de réseau des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) (art. 6 modifiant l'article L. 226-3-1 du CASF). Les informations relatives à des mesures dont bénéficient des mineurs ou de jeunes majeurs sont transmises à l'observatoire départemental de la protection de l'enfance et à l'Observatoire national de la protection de l'enfance, sous forme anonyme (ajout de l'art. L. 226-3-3 dans le CASF).
Dans chaque département, un médecin référent “protection de l'enfance”, désigné au sein d'un service du département, est chargé d'organiser les modalités de travail régulier et les coordinations nécessaires entre les services départementaux et la cellule de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes, d'une part, et les médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département, d'autre part, dans des conditions définies par décret.(art. 7 complétant l'art. L. 221-2 du CASF).
Le service de l'aide sociale à l'enfance répond dans les meilleurs délais aux demandes de coopération transmises par une autorité centrale ou une autre autorité compétente, fondées sur le règlement de l'Union européenne ou la convention internationales indiqués.
Titre II : Sécuriser le parcours de l'enfant en protection de l'enfance (art. 9 à 31)
L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet (art. 9 complétant l'article L. 226-3 du CASF).A cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée.
Deux nouvelles missions sont ajoutées au service de l'aide sociale à l'enfance : 7° Veiller à la stabilité du parcours de l'enfant confié et à l'adaptation de son statut sur le long terme ; 8° Veiller à ce que les liens d'attachement noués par l'enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l'intérêt de l'enfant (art. 12 complétant l'art. L. 221-1 du CASF).
Lorsqu'un enfant est pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur un autre fondement que l'assistance éducative, le président du conseil départemental peut décider, si tel est l'intérêt de l'enfant et après évaluation de la situation, de le confier à un tiers, dans le cadre d'un accueil durable et bénévole (art. 13 complétant l'art. L. 221-2-1 du CASF).
Pour l'accomplissement de sa mission de protection de l'enfance, le président du conseil départemental peut demander au président du conseil départemental d'un autre département des renseignements relatifs à un mineur et à sa famille quand ce mineur a fait l'objet par le passé, au titre de la protection de l'enfance, d'une information préoccupante, d'un signalement ou d'une prise en charge dans cet autre département (art. 14 complétant l'article L. 221-3 du CASF)..
Un entretien est organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur accueilli au titre des 1°, 2° ou 3° de l'article L. 222-5, un an avant sa majorité, pour faire un bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l'autonomie (art. 15 insérant l'art. L. 222-5-1 dans le CASF). Dans le cadre du projet pour l'enfant, un projet d'accès à l'autonomie est élaboré par le président du conseil départemental avec le mineur.
Un accompagnement est proposé à des jeunes devenus majeurs et à des majeurs âgés de moins de 21 ans pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée.
Un protocole est conclu par le président du conseil départemental, conjointement avec le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil régional et avec le concours de l'ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l'accès à l'autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l'aide sociale à l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse (art. 17 ajoutant l'art. L. 222-5-2 dans le CASF). Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d'offrir aux jeunes de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources.
Au terme de l'accueil d'un enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil départemental s'assure qu'un accompagnement permet le retour et le suivi de l'enfant dans sa famille dans les meilleures conditions (art. 18 insérant l'art. L. 223-3-2 dans le CASF).
L'allocation de rentrée scolaire ou l'allocation différentielle due au titre d'un enfant confié en application des 3° ou 5° de l'article 375-3 du code civil ou en application de l'article 375-5 du même code est versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu'à la majorité de l'enfant ou, le cas échéant, jusqu'à son émancipation (art. 19 insérant l'art. L. 543-3 dans le CSS). A cette date, le pécule est attribué et versé à l'enfant.
Peuvent être pris en charge dans un centre parental, au titre de la protection de l'enfance, les enfants de moins de trois ans accompagnés de leurs deux parents quand ceux-ci ont besoin d'un soutien éducatif dans l'exercice de leur fonction parentale (art. 20 ajoutant l'art. L. 222-5-3 dans le CASF). Peuvent également être accueillis, dans les mêmes conditions, les deux futurs parents pour préparer la naissance de l'enfant.
Les dispositions relatives au projet pour l'enfant (PPE) sont réécrites avec l'objectif d'en faire un véritable instrument au service de l'intérêt supérieur du mineur (art. 21 modifiant l'art. L. 223-1 et insérant l'art. L. 223-1-1 dans le CASF). Le “projet pour l'enfant” est un document unique établi, pour chaque mineur bénéficiant d'une prestation d'aide sociale à l'enfance, hors aides financières, ou d'une mesure de protection judiciaire, qui vise à garantir son développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social. Ce document accompagne le mineur tout au long de son parcours au titre de la protection de l'enfance. Le projet pour l'enfant est construit en cohérence avec les objectifs fixés dans la décision administrative ou judiciaire le concernant. Dans une approche pluridisciplinaire, ce document détermine la nature et les objectifs des interventions menées en direction du mineur, de ses parents et de son environnement, leur délai de mise en œuvre, leur durée, le rôle du ou des parents et, le cas échéant, des tiers intervenant auprès du mineur ; il mentionne, en outre, l'identité du référent du mineur. Le projet pour l'enfant prend en compte les relations personnelles entre les frères et sœurs, lorsqu'elles existent, afin d'éviter les séparations, sauf si cela n'est pas possible ou si l'intérêt de l'enfant commande une autre solution. L'élaboration du projet pour l'enfant comprend une évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soins qui doivent être intégrés au document. Le président du conseil départemental est le garant du projet pour l'enfant, qu'il établit en concertation avec les titulaires de l'autorité parentale et, le cas échéant, avec la personne désignée en tant que tiers digne de confiance ainsi qu'avec toute personne physique ou morale qui s'implique auprès du mineur.
Lorsque l'enfant pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance est confié à une personne physique ou morale, une liste des actes usuels de l'autorité parentale que cette personne ne peut pas accomplir au nom de ce service sans lui en référer préalablement est annexée au projet pour l'enfant (art. 22 insérant l'art. L. 223-1-2 dans le CASF).
Le président du conseil départemental met en place une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle chargée d'examiner, sur la base des rapports prévus, la situation des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance depuis plus d'un an lorsqu'il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l'enfant paraît inadapté à ses besoins (art. 26 complétant l'article L. 223-1 du CASF).
Lorsque le service départemental de l'aide sociale à l'enfance auquel est confié un enfant en application de l'article 375-3 du code civil envisage de modifier le lieu de placement de cet enfant, il en informe le juge compétent au moins un mois avant la mise en œuvre de sa décision (art. 27 complétant l'art. L. 223-3 du CASF).
Le rapport annuel établi par le service de l'ASE pour chaque enfant accueilli ou bénéficiant d'une mesure éducative, d'une part, analyse la santé physique et psychique de l'enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille, d'autre part, intervient tous les six mois pour les enfants âgés de moins de deux ans (art. 28 modifiant l'article L. 223-5 du CASF). Le suivi régulier des enfants en cours de procédure constitue en effet une condition fondamentale de la réussite des mesures de protection. Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe le contenu et les modalités d'élaboration du rapport.
Lorsque la durée du placement excède un seuil fixé par décret selon l'âge de l'enfant, le service départemental de l'aide sociale à l'enfance auquel a été confié le mineur en application de l'article 375-3 du code civil examine l'opportunité de mettre en œuvre d'autres mesures susceptibles de garantir la stabilité des conditions de vie de l'enfant afin de lui permettre de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective, éducative et géographique dans un lieu de vie adapté à ses besoins (art. 29 insérant l'art. L. 227-2-1.dans le CASF).
Lors du premier examen prénatal, le médecin ou la sage-femme propose à la femme enceinte un entretien prénatal précoce dont l'objet est de permettre au professionnel d'évaluer avec elle ses besoins en termes d'accompagnement au cours de la grossesse (art. 31 complétant l'article L. 2122-1 du code de la santé publique).
Titre III : Adapter le statut de l'enfant placé sur le long terme (art. 32 à 49)
L'adoption simple est rendue irrévocable durant la minorité de l'adopté, sauf demande de révocation par le ministère public (art. 32 modifiant l'art. 370 du code civil).
Lorsqu'un enfant né sous le secret ou un enfant pupille de l'Etat est restitué à l'un de ses parents, le président du conseil départemental propose un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social du parent et de l'enfant pendant les trois années suivant cette restitution, afin de garantir l'établissement des relations nécessaires au développement physique et psychologique de l'enfant ainsi que sa stabilité affective (art. 33 modifiant respectivement les articles L. 223-7 et L. 224-6 du CASF).
Dans le cadre de la procédure d'adoption plénière, le mineur capable de discernement est entendu par le tribunal ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le tribunal à cet effet (art. 35 complétant l'art. 353 du code civil). Il doit être entendu selon des modalités adaptées à son âge et à son degré de maturité. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Le mineur peut être entendu seul ou avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne.
Les transmissions à titre gratuit entre adoptants et adoptés simples sont imposées selon le régime fiscal applicable aux transmissions de ligne directe, dans le cas où le décès de l'adoptant intervient pendant la minorité de l'adopté simple (art. 36 modifiant l'article 786 du code général des impôts).
La procédure de la déclaration judiciaire d'abandon est remplacée par la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental (art. 40 abrogeant l'art. 350 et insérant une nouvelle section, art. 381-1 et s. dans le code civil).
Les conditions dans lesquelles l'enfant qui est recueilli et élevé par une personne de nationalité française peut réclamer la nationalité française sont modifiées par la réduction de la condition de durée à trois ans (au lieu de cinq) et l'exigence que le recueil soit intervenu sur décision de justice (art. 42 modifiant l'article 21-12 du code civil).
Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé (art. 43 complétant l'article 388 du code civil). Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires.
La loi détermine la nature des liens des personnes auteurs de viols, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles qui entraînent la qualification aggravante d'inceste lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur (art. 44 rétablissant l'art. 222-31-1 et insérant l'art. L. 227-27-2-1 dans le code pénal).
Pour permettre l'application du troisième alinéa de l'article 375-5 du code civil (orientation d'un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, signalé par l'ASE), le président du conseil départemental transmet au ministre de la justice les informations dont il dispose sur le nombre de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille dans le département (art. 48 insérant l'art. L. 221-2-2 dans le CASF). Le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces mineurs entre les départements, en fonction de critères démographiques et d'éloignement géographique.
Lorsqu'un service de l'aide sociale à l'enfance signale la situation d'un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l'orientation du mineur concerné (art. 49 complétant l'article 375-5 du code civil). Le procureur de la République ou le juge des enfants prend sa décision en stricte considération de l'intérêt de l'enfant, qu'il apprécie notamment à partir des éléments ainsi transmis pour garantir des modalités d'accueil adaptées
Plan de la loi
Titre Ier : Améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance (art. 1er à 8)
Titre II : Sécuriser le parcours de l'enfant en protection de l'enfance (art. 9 à 31)
Titre III : Adapter le statut de l'enfant placé sur le long terme (art. 32 à 49)
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : sécurité sociale et action sociale / droits civils, famille, dons et legs / droit, justice et professions juridiques
Voir aussi :
Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance - Décret n° 2016-1557 du 17 novembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu et les modalités d'élaboration du rapport de situation prévu à l'article L. 223-5 du code de l'action sociale et des familles