Loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise (Lien Legifrance, JO 30/11/2023)
La loi de 19 articles transpose l'accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur en entreprise, conclu le 10 février 2023 entre les organisations patronales (MEDEF, CPME, l'U2P) et les syndicats professionnels (CFDT, CFTC, FO et CFE-CGC). Cet accord résulte de négociations auxquelles les partenaires sociaux avaient été invités par le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en septembre 2022, sur la base de l'article L. 1 du code du travail, avec pour finalité de renforcer le partage de la valeur entre travail et capital au sein des entreprises et d'améliorer l'association des salariés aux performances de l'entreprise. Ayant ainsi pour objet de transposer l'accord national interprofessionnel en ce qui concerne les mesures qui relèvent du niveau législatif, la loi modifie essentiellement le code du travail et apporte aussi quelques modifications au code monétaire et financier et au code du commerce.
Titre IER : RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR LES CLASSIFICATIONS (Articles 1 à 2)
L'article 1 prévoit qu'une négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications en prenant en compte l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mixité des emplois est ouverte avant le 31 décembre 2023 dans les branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.
L'article 2 prévoit que les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels établissent, avant le 31 décembre 2024, un bilan de l'action de la branche en faveur de la promotion et de l'amélioration de la mixité des emplois, prévu à l'article L. 2232-9 du code du travail, assorti de propositions d'actions visant notamment à améliorer l'accompagnement des entreprises dans l'atteinte de cet objectif. Ce bilan et les propositions associées sont élaborés en lien avec l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications mentionné à l'article L. 2241-12 du même code.
Titre II : FACILITER LA GÉNÉRALISATION DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DE LA VALEUR (Articles 3 à 11)
L'article 3 modifie l'article L. 3325-1 du code du travail relatif au régime social et fiscal des sommes portées à la réserve spéciale de participation.
L'article 4 prévoit qu'à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les entreprises de 11 à 49 salariés peuvent mettre en application un régime de participation, dérogeant à la règle de l'équivalence des avantages consentis aux salariés prévue à l'article L. 3324-2 du code du travail : 1° Soit par application d'un accord de participation conclu au niveau de la branche ; 2° Soit par application d'un accord d'entreprise. Une négociation en vue de la mise en place d'un tel régime de participation est ouverte dans chaque branche au plus tard le 30 juin 2024.
L'article 5 prévoit qu'à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les entreprises d'au moins onze salariés qui ont réalisé pendant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal, au sens du 1° de l'article L. 3324-1 du code du travail, au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires et qui ne sont pas tenues de mettre en place un régime de participation en application des articles L. 3322-1 à L. 3322-5 du même code doivent, au titre de l'exercice suivant : 1° Soit mettre en place un régime de participation ou un régime d'intéressement ; 2° Soit abonder un plan d'épargne salariale ; 3° Soit verser la prime de partage de la valeur. L'obligation de mettre en place l'un de ces dispositifs s'applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024. Les trois exercices précédents sont pris en compte pour l'appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal.
L'article 6 prévoit une obligation quasiment équivalente pour les personnes morales du secteur de l'économie sociale et solidaire employant au moins 11 salariés qui ne déclarent pas de bénéfice net fiscal et qui ont réalisé pendant trois exercices consécutifs un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes.
L'article 7 abroge l'article L. 3322-3 du code du travail prévoyant que lorsqu'une entreprise ayant conclu un accord d'intéressement vient à employer au moins cinquante salariés, les obligations en matière de participation ne s'appliquent qu'au troisième exercice clos après le franchissement du seuil d'assujettissement à la participation, si l'accord est appliqué sans discontinuité pendant cette période. L'article 7 prévoit cependant que les entreprises qui ne sont tenues d'appliquer un régime de participation qu'à compter du troisième exercice clos après le franchissement du seuil d'assujettissement à la participation, conservent le bénéfice de cette disposition jusqu'au terme du report.
L'article 8 rétablit dans le code du travail un chapitre « Partage de la valeur en cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal (Art. L. 3346-1) prévoyant que lorsqu'une entreprise qui est tenue de mettre en place un régime de participation et qui dispose d'un ou de plusieurs délégués syndicaux a ouvert une négociation pour mettre en œuvre un dispositif d'intéressement ou de participation, cette négociation porte également sur la définition d'une augmentation exceptionnelle de son bénéfice et sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent. Le partage de la valeur peut être mis en œuvre : 1° Soit par le versement du supplément de participation ; 2° Soit par le versement du supplément d'intéressement, lorsqu'un dispositif d'intéressement s'applique dans l'entreprise ; 3° Soit par l'ouverture d'une nouvelle négociation ayant pour objet de mettre en place un dispositif d'intéressement défini à l'article L. 3312-1 lorsqu'il n'existe pas dans l'entreprise, de verser un supplément mentionné aux articles L. 3314-10 et L. 3324-9 si l'accord en application duquel il est versé a donné lieu à un versement, d'abonder un plan d'épargne ou de verser la prime de partage de la valeur. L'ensemble de ces dispositions ne s'applique pas aux entreprises qui ont mis en place un accord de participation ou d'intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ou un régime de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule prévue à l'article L. 3324-1.
L'article 9 complète l'article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat pour prévoir, d'une part, que lorsque, entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026, les primes de partage de la valeur sont versées par une entreprise employant moins de cinquante salariés à des salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant leur versement, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du salaire minimum de croissance correspondant à la durée de travail prévue au contrat, ces primes, sont en outre exonérées d'impôt sur le revenu ainsi que des contributions prévues à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée. D'autre part, lorsqu'un bénéficiaire a adhéré à un plan d'épargne salariale ou à un plan d'épargne retraite d'entreprise et qu'il affecte à la réalisation de ce plan, dans un délai défini par décret, tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées par l'entreprise au titre des primes de partage de la valeur versées, ces sommes sont exonérées d'impôt sur le revenu dans les limites prévues.
L'article 10 prévoit qu'un plan de partage de la valorisation de l'entreprise peut être mis en place dans les entreprises ainsi qu'au sein des groupes pour une durée de trois ans. Tous les salariés ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise bénéficient du plan de partage de la valorisation de l'entreprise. Ne bénéficient pas de la prime de partage de la valorisation de l'entreprise les salariés qui, pendant la durée de trois ans du plan, atteignent l'ancienneté prévue ou quittent l'entreprise de manière définitive. Le plan de partage de la valorisation de l'entreprise permet aux salariés de bénéficier d'une prime de partage de la valorisation de l'entreprise dans le cas où la valeur de l'entreprise a augmenté au cours des trois années suivant la première date mentionnée.
L'article 11 contient des dispositions de coordination.
Titre III : SIMPLIFIER LA MISE EN PLACE DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DE LA VALEUR (Articles 12 à 16)
L'article 12 complète le code du travail par des dispositions portant sur les « Avances sur intéressement et participation » (art. L. 3348-1) indiquant que l'accord d'intéressement ou de participation peut prévoir le versement, en cours d'exercice, d'avances sur les sommes dues au titre de l'intéressement ou de la réserve spéciale de participation. Les avances sont versées au bénéficiaire, après avoir recueilli son accord, selon une périodicité qui ne peut être inférieure au trimestre.
L'article 13 ajoute dans le code du travail un article L. 3326-1-1 indiquant que lorsque la déclaration des résultats d'un exercice est rectifiée par l'administration ou par le juge de l'impôt, que les rectifications donnent lieu ou non à l'application de majorations, à des poursuites pénales ou à une convention judiciaire d'intérêt public, le montant de la participation des salariés au bénéfice de cet exercice fait l'objet d'un nouveau calcul tenant compte des rectifications apportées.
L'article 14 complète l'article L. 3314-5 du code du travail pour indiquer que l'accord peut fixer un salaire plancher, un salaire plafond ou les deux, servant de base de calcul de la part individuelle.
L'article 16 complète l'article L. 3342-1 du code du travail pour prévoir que, par dérogation, un accord étendu de la branche professionnelle du travail temporaire peut prévoir une durée d'ancienneté différente pour les salariés temporaires, dans la limite de quatre-vingt-dix jours.
Titre IV : DÉVELOPPER L'ACTIONNARIAT SALARIÉ (Articles 17 à 19)
L'article 17 modifie des dispositions de l'article L225-197-1 du code du commerce relatives aux conditions d'attribution d'actions gratuites au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux.
L'article 18 modifie l'article L. 3332-17 du code du travail pour indiquer désormais que le règlement du plan d'épargne d'entreprise prévoit qu'une partie des sommes recueillies peut être affectée, dans les limites prévues à l'article L. 214-164 du code monétaire et financier, à l'acquisition : a) De parts de fonds investis dans des entreprises solidaires d'utilité sociale ; b) De parts d'au moins un fonds labellisé ou d'un fonds nourricier d'un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable. La liste des labels ainsi que, pour ceux qui sont créés par l'Etat, leurs critères et leurs modalités de délivrance sont précisés par décret. Le code monétaire et financier est modifié dans le même sens. Ces dispositions entrent en vigueur soit le 1er juillet 2024 soit le 24 octobre 2024.
L'article 19 complète l'article L. 214-164 du code monétaire pour prévoir que la société de gestion du fonds d'épargne salariale (fonds commun de placement d'entreprise) justifie chaque année devant le conseil de surveillance sa politique d'engagement actionnarial et présente le compte rendu de la mise en œuvre de cette politique.
Sommaire
Titre IER : RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR LES CLASSIFICATIONS (Articles 1 à 2)
Titre II : FACILITER LA GÉNÉRALISATION DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DE LA VALEUR (Articles 3 à 11)
Titre III : SIMPLIFIER LA MISE EN PLACE DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DE LA VALEUR (Articles 12 à 16)
Titre IV : DÉVELOPPER L'ACTIONNARIAT SALARIÉ (Articles 17 à 19)
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : entreprises et activité économique / travail et emploi / capitaux, banques et assurances