Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (Lien Legifrance, JO 28/07/2023)
La loi de douze articles après la décision du Conseil constitutionnel (13 avant) vise d'abord et principalement, à empêcher le squat notamment en aggravant les sanctions et en facilitant l'expulsion dans ce cas (Titre I). Elle vise ensuite à sécuriser les rapports locatifs, notamment en rendant systématique dans les contrats de location une clause de résiliation automatique en cas d'impayés de loyers et en restreignant l'obtention par l'occupant de délais à l'exécution de l'expulsion (Titre II). Enfin, elle vise à renforcer l'accompagnement des locataires en difficulté (Titre III).
Chapitre Ier : Mieux réprimer le squat (Articles 1 à 8)
L'article 1 insère dans le code pénal un chapitre « De l'occupation frauduleuse d'un local à usage d'habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel » (art. 315-1 et 315-2). L'article 315-1 réprime de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de s'introduire dans un local à usage d'habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte et le fait de s'y maintenir après s'y être ainsi introduit, dans les deux cas hors les cas où la loi le permet. L'article 315-2 punit de 7 500 euros d'amende le fait de se maintenir sans droit ni titre dans un local à usage d'habitation en violation d'une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois. Cette disposition n'est pas applicable dans certaines situations : lorsque l'occupant bénéficie des dispositions de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution relatif à la trêve hivernale ; lorsque le juge de l'exécution est saisi sur le fondement de l'article L. 412-3 du même code, jusqu'à la décision rejetant la demande ou jusqu'à l'expiration des délais accordés par le juge à l'occupant ; lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.
L'article 2 complète l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution pour rendre inapplicables aux squatters (occupants "entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte") dont l'expulsion a été prononcée, les dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 412-3 précité permettant au juge qui ordonne l'expulsion ou au juge de l'exécution saisi d'accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
L'article 3 modifie le premier alinéa de l'article 226-4 du code pénal afin d'aggraver les peines réprimant le délit de violation de domicile en les portant à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende au lieu d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (triplement).
L'article 4 insère dans le code pénal un article 226-4-2-1 punissant de 3 750 euros d'amende la propagande ou la publicité, quel qu'en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits de violation de domicile et d'occupation frauduleuse de certains locaux respectivement prévus aux articles 226-4 et 315-1. Lorsque le délit est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.
L'article 5 modifie l'article 313-6-1 du code pénal afin d'aggraver à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende au lieu d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende les peines encourues du fait de l'infraction voisine à l'escroquerie consistant à mettre à disposition d'un tiers, en vue qu'il y établisse son habitation moyennant le versement d'une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l'autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d'usage de ce bien.
L'article 6, d'une part (§ I) complète l'article 226-4 du code pénal, qui réprime l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ainsi que le fait de s'y maintenir après s'y être introduit dans de telles circonstances (violation de domicile et occupation fraudeuse) en définissant notamment le domicile d'une personne comme « tout local d'habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu'il s'agisse de sa résidence principale ou non ».
L'article 6, d'autre part (§ II) complète l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ("loi DALO") afin d'étendre la procédure administrative d'expulsion d'un domicile à tous les locaux à usage d'habitation. L'article 38 de la loi du 5 mars 2007 précitée prévoit que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement.
Article 7 AC. Cet article modifiait l'article 1244 du code civil afin de libérer le propriétaire d'un bien immobilier occupé illicitement de son obligation d'entretien et de l'exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d'un défaut d'entretien de ce bien. Le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023 que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d'entretien d'un bâtiment en ruine.
L'article 8 modifie, d'une part, l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique relatif au dispositif d'occupation temporaire de locaux afin de pérenniser ce dispositif institué à titre expérimental visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires, notamment à des fins de logement, d'hébergement, d'insertion et d'accompagnement social, et afin d'autoriser, dans le cadre de ce dispositif, la constatation de l'occupation sans droit ni titre des lieux selon la procédure de l'ordonnance sur requête. D'autre part, il modifie l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution afin d'étendre aux lieux occupés en vertu de ce dispositif la possibilité pour le juge de réduire ou supprimer le délai de deux mois qui suit le commandement d'avoir à libérer les locaux. Enfin, l'article 8 complète l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 pour exclure l'application de son Titre Ier : Des rapports entre bailleurs et locataires (Articles 1 à 25-2) aux logements faisant l'objet du dispositif d'occupation temporaire de locaux mentionné à l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 précitée
Chapitre II : Sécuriser les rapports locatifs (Articles 9 à 11)
L'article 9 modifie l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 pour rendre systématique dans les contrats de location une clause de résiliation automatique en cas d'impayés de loyers, ainsi que pour prévoir que le locataire faisant l'objet d'une assignation aux fins de constat de la résiliation locataire soit informé par la préfecture de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement. Dorénavant, le juge pourra à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Dorénavant également, lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge.
L'article 10 modifie la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 par des dispositions de coordination en remplaçant le terme "huissier" par celui de "commissaire" pour tenir compte du changement de dénomination de la profession des huissiers de justice. Le 5° du paragraphe I de l'article 10 modifie le paragraphe I de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 afin notamment de réduire de deux mois à six semaines le délai de prise d'effet de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges ou non-versement du dépôt de garantie. Dorénavant également, il n'appartiendra plus au préfet de département de fixer, par arrêté, le montant et l'ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements de payer, délivrés pour le compte d'un bailleur sont signalés par le commissaire de justice à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives. La situation est réglée et harmonisée au niveau national : lorsque le locataire est en situation d'impayé de loyer ou de charges locatives sans interruption depuis une durée de deux mois ou lorsque la dette de loyer ou de charges locatives du locataire est équivalente à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives. Le 6° du paragraphe I de l'article 10 modifie le paragraphe III du même article 24 afin notamment de réduire le délai entre l'assignation aux fins de constat de la résiliation et l'audience devant le juge. Le 3° du paragraphe II de l'article 10 modifie quant à lui l'article L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution afin de réduire au tiers la durée des délais renouvelables que le juge peut accorder aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée. Désormais, la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an (au lieu de respectivement 3 mois et 3 ans auparavant). Le 1° de ce même paragraphe II modifie l'article L. 412-1 du même code pour étendre les situations dans lesquelles l'expulsion portant sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, peut avoir lieu sans avoir à respecter un délai de deux mois suivant le commandement lorsque le juge qui prononce l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou qu'elle est entrée dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. Le 2° du même paragraphe II modifie l'article L. 412-3 du même code, d'une part, pour interdire au juge d'accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement lorsque l'occupant est de mauvaise foi et, d'autre part, pour supprimer la disposition dispensant les occupants à avoir à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation. Enfin, le 4° du même paragraphe II modifie l'article L. 412-6 du même code afin d'exclure plus largement du bénéfice du sursis dû à la trêve hivernale lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte et non pas seulement par voies de fait comme auparavant.
L'article 11 complète l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution pour annoncer que les modalités d'évaluation de la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique afin d'exécuter une mesure d'expulsion sont précisées par décret en Conseil d'Etat.
Chapitre III : Renforcer l'accompagnement des locataires en difficulté (Articles 12 à 13)
L'article 12 modifie la rédaction de l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement relatif à la composition et aux missions de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives créée dans chaque département et coprésidée par le préfet de département, le président du conseil départemental et le président de la métropole lorsqu'il assure la gestion d'un fonds de solidarité intercommunal. Ensuite, l'article 12 modifie la rédaction de l'article L. 824-2 du code de la construction et de l'habitation pour indiquer, lorsque le bénéficiaire de l'aide personnelle ne règle pas la dépense de logement, les obligations à la charge de l'organisme payeur : 1° Saisir la commission de coordination des actions de prévention des expulsions afin qu'elle décide du maintien ou non du versement ; 2° Mettre en place les démarches d'accompagnement social et budgétaire du ménage afin d'établir un diagnostic social et financier du locataire et de remédier à sa situation d'endettement. Le diagnostic est transmis à la commission précitée. Enfin, l'article 12 complète le code des procédures civiles d'exécution par un article L. 431-3 prévoyant que si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, le commissaire de justice chargé de l'expulsion transmet une copie du procès-verbal d'expulsion signifié ou remis à la personne expulsée au représentant de l'Etat dans le département ainsi qu'à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. Cette transmission s'effectue par l'intermédiaire du système d'information prévu par l'article 7-2 précité.
L'article 13 modifie l'article L. 271-5 du code de l'action sociale et des familles afin de prévoir, en cas de refus par l'intéressé du contrat d'accompagnement social personnalisé ou de non-respect de ses clauses, que le préfet de département et la commission de coordination des actions de prévention des expulsions, et non pas seulement le président du conseil départemental, peuvent demander au juge du tribunal judiciaire que soit procédé au versement direct, chaque mois, au bailleur, des prestations sociales dont l'intéressé est bénéficiaire à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable. Les mêmes peuvent à tout moment saisir le juge pour mettre fin à cette mesure.
Sommaire
Chapitre Ier : Mieux réprimer le squat (Articles 1 à 8)
Chapitre II : Sécuriser les rapports locatifs (Articles 9 à 11)
Chapitre III : Renforcer l'accompagnement des locataires en difficulté (Articles 12 à 13)
Voir aussi la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023 Loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite par laquelle il a censuré l'article 7 de la présente loi.
Rubriques : urbanisme, logement, travaux publics, voirie / droits civils, famille, dons et legs / pénal et pénitentiaire
Voir aussi :
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 - Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale - Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique - Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement