Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective (Lien Legifrance, JO 23/09/2017)
L'ordonnance est prise sur le fondement de l'habilitation donnée au gouvernement par la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017. Elle comprend notamment les dispositions suivantes.
L'articulation entre conventions de branche et conventions d'entreprise est modifiée. Les matières dans lesquelles la convention de branche définit les conditions d'emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables sont limitativement énumérées et augmentent. Parmi les treize items figurent les salaires minima hiérarchiques, les classifications, la mutualisation des fonds de financement du paritarisme, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la prévoyance. Les matières dans lesquelles la convention de branche peut décider qu'elle prévaut sur l'accord d'entreprise sont également précisées : la prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels, l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés, l'effectif à partir duquel des délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical et les primes pour travaux dangereux ou insalubres. Dans les domaines verrouillés par la loi ou par la convention de branche, les accords d'entreprise ne peuvent prévoir que des garanties au moins équivalentes à celles de la convention de branche, cette équivalence devant être appréciée domaine par domaine. En revanche, dans les domaines non énumérés, les stipulations de la convention d'entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la convention de branche prévalent sur celles ayant le même objet de la convention de branche.
Pour tenir compte des contraintes particulières des petites entreprises, la convention de branche, soit comporte des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés, soit justifie des motifs pour lesquels elle n'en comporte pas.
Afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi, un accord d'entreprise peut : aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition ; aménager la rémunération dans le respect du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des salaires minimas conventionnels ; déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise. Cela permet d'unifier le régime d'accords préexistants : les accords de réduction du temps de travail, les accords de maintien de l'emploi, les accords en faveur de la préservation ou du développement de l'emploi et les accords de mobilité professionnelle ou géographique interne. Les conditions de recours à ces accords sont simplifiées et les conséquences d'un refus de l'accord par le salarié harmonisées. Ainsi, il est considéré que le licenciement du salarié qui refuse l'application des stipulations de l'accord à son contrat de travail repose sur un motif spécifique et l'employeur est tenu d'abonder son compte personnel de formation selon des modalités qui seront définies par décret. Ce type d'accord sera soumis dès son entrée en vigueur aux modalités de validité des accords majoritaires : il devra être signé par des syndicats représentant 50 % des salariés, ou à défaut, par des syndicats représentant 30 % des salariés et approuvé par référendum à la majorité des salariés concernés.
La règle de l'accord majoritaire dans les entreprises sera généralisée dès le 1er mai 2018, soit 16 mois avant la date prévue par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (loi El Khomri).
Les accords ou conventions collectives sont sécurisés par l'instauration une présomption simple de conformité de la convention ou de l'accord collectif à la loi (le requérant à la charge de prouver le contraire), par un délai de contestation limité à deux mois et par le principe de la modulation des effets dans le temps d'une décision judiciaire d'annulation de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective.
Une nouvelle architecture à trois niveaux est mise en place en ce qui concerne la négociation obligatoire de branche et professionnelle et la négociation obligatoire en entreprise : l'ordre public, que tous les accords doivent respecter ; le champ de la négociation collective, définissant l'articulation la plus pertinente au niveau de la branche ou de l'entreprise ; les dispositions supplétives, applicables en l'absence d'accord de branche ou d'accord d'entreprise.
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont l'effectif habituel est inférieur à onze salariés, l'employeur peut proposer un projet d'accord aux salariés, qui porte sur l'ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d'entreprise prévus par le code du travail. Lorsque le projet d'accord est ratifié à la majorité des deux tiers du personnel (référendum), il est considéré comme un accord valide.
L'employeur peut désormais, à l'instar des représentants des salariés, demander l'organisation d'une consultation (référendum), si celle-ci ne rencontre pas l'opposition de l'ensemble des syndicats signataires, dans les cas où un accord collectif de travail est signé par des organisations syndicales ayant obtenu 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections mais ne franchissant pas les 50 %.
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Un Observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation dans les entreprises de moins de cinquante salariés est créé au niveau départemental
Le processus de restructuration du paysage conventionnel est favorisé en avançant notamment la date à laquelle la ministre, après examen des projets au sein de la Commission nationale de la négociation collective, est en mesure de prononcer, par arrêté, la fusion des champs conventionnels concernés. Pour atteindre cet objectif, le délai durant lequel la ministre chargée du travail engage la fusion des branches n'ayant pas conclu d'accord depuis 2009 ainsi que le délai d'opposition au projet de restructuration sont réduits d'un an. L'expiration de ce délai interviendra donc en septembre 2018.
Plan de l'ordonnance
Titre Ier : Place de la négociation collective (art. 1er à 7)
Chapitre 1 : Rapports entre accords d'entreprise ou d'établissement et accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, notamment accords de branche
Chapitre 2 : Dispositions propres aux petites entreprises (art. 2)
Chapitre 3 : Harmonisation et simplification des conditions de recours et du contenu de certains accords collectifs (art. 3)
Chapitre 4 : Contestation d'un accord collectif (art. 4)
Chapitre 5 : Périodicité et contenu des consultations et négociations obligatoires (art. 5 à 7)
Titre II : Favoriser les conditions de mise en oeuvre de la négociation collective (art. 8 à 13)
Chapitre 1 : Modalités de négociation, de conclusion d'un accord collectif et de recours à la consultation des salariés (art. 8 et 10)
Chapitre 2 : Modalités d'appréciation du caractère majoritaire des accords (art. 11)
Chapitre 3 : Accélération de la procédure de restructuration des branches professionnelles (art. 12)
Chapitre 4 : Obligations d'information de l'employeur (art. 13)
Titre III : Autres dispositions (art. 14 à 18)
Voir aussi le rapport au président de la République sur l'ordonnance.
Rubriques : travail et emploi / entreprises et activité économique
Voir aussi :
Loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social - Décret n° 2017-1612 du 28 novembre 2017 relatif à la mise en place des observatoires d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation - Décret n° 2017-1880 du 29 décembre 2017 relatif à l'abondement du compte personnel de formation des salariés licenciés suite au refus d'une modification du contrat de travail résultant de la négociation d'un accord d'entreprise