Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue (Lien Legifrance, JO 15/04/2011, p. 6610)
Les principales dispositions
La loi constitue le premier volet de la réforme de la procédure pénale. Elle tire les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel qui, statuant sur des questions prioritaires de constitutionnalité, ont déclaré contraires à la Constitution le régime des gardes à vue de droit commun (décision du 30 juillet 2010) et celui de la retenue douanière (décision du 22 septembre 2010 ). Son objectif affiché est de réduire le recours à la garde à vue et d'améliorer les droits des personnes qui en font l'objet. Les conditions de la garde à vue sont énumérées de façon précise et limitative. Elle n'est pas possible pour les crimes ou les délits qui ne sont pas punis d'une peine d'emprisonnement, et ne peut être prolongée que pour les infractions punis d'au moins un an d'emprisonnement. La personne gardée à vue se voit notifier son droit de garder le silence. L'assistance de la personne gardée à vue par un avocat est élargie sur deux points essentiels : l'avocat a accès aux procès-verbaux d'audition de son client ; il peut assister à toutes les auditions de la personne, dès le début de la mesure. Toutefois, le procureur de la République peut différer l'exercice de ces deux nouveaux droits pendant une durée maximale de douze heures, en raison de circonstances particulières faisant apparaître la nécessité, en urgence, de rassembler ou de conserver les preuves ou de prévenir une atteinte imminente aux personnes. La loi affirme le respect de la dignité des personnes gardées à vue. Elle modifie principalement le code de procédure pénale (CPP).
Plan de la loi
- Impossibilité en matière criminelle et correctionnelle, pour une personne d'être condamnée sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui (art. 1er complétant l'art. préliminaire du CPP).
- Limitation du champ et des motifs de placement en garde à vue (art. 2 ajoutant l'art. 62-2 CPP) : une personne ne peut être placée en garde à vue que si elle est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement. Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants : 1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ; 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ; 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. Le contrôle de la garde à vue est confié au procureur de la République (ajout de l'art. 62-3).
- Prolongation de la durée de la garde à vue de 24 h d'une durée identique seulement possible lorsque l'infraction est punie d'au moins un an d'emprisonnement (art. 3 modifiant l'art. 63 CPP). Outre l'information de la personne gardée à vue sur son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l'objet et de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre, ses droits doivent lui être notifiés. Ce sont : le droit de faire prévenir un proche et son employeur, le droit d'être examinée par un médecin, le droit d'être assistée par un avocat, le droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire (art. 3 modifiant l'art. 63-1 CPP).
- Droit pour la personne gardée à vue de nationalité étrangère de faire contacter les autorités consulaires de son pays (art. 4 modifiant l'art. 63-2 CPP).
- Droit pour la personne gardée à vue de demander l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue (art. 5 insérant l'art. 63-3-1 CPP).
- Droit pour la personne gardée à vue de demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations (art. 8 insérant les articles 63-4-1 à 63-4-4). Détermination des règles applicables à la présence de l'avocat. Ainsi, la première audition ne peut débuter sans la présence de l'avocat demandée qu'après un délai de deux heures suivant la communication de la demande, sauf nécessités de l'enquête. Possibilité pour l'avocat de consulter les pièces de la procédure. Droit reconnu au procureur de la République de différer à titre exceptionnel la présence de l'avocat pendant une durée maximale de douze heures et au-delà le report est de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD).
- Droit de la victime d'une infraction à être assistée par un avocat en cas de confrontation avec une personne gardée à vue qui est elle-même assistée d'un avocat (art. 9 insérant l'art. 63-4-5 CPP). Possibilité pour l'avocat de consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste.
- Affirmation du droit des personnes gardées à vue au respect de leur dignité (art.10 modifiant l'art. 63-5 CPP). Encadrement des mesures de sécurité et des fouilles pouvant être imposées aux personnes gardées à vue (art. 11 insérant les art. 63-6 à 63-9). Ainsi, la personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité.
- Compétence nationale reconnue aux officiers de police judiciaire (OPJ) (art. 13 modifiant l'art. 18 CPP).
- Réécriture des dispositions relatives aux régimes dérogatoires de garde à vue (art. 16 modifiant l'art. 706-88 CPP). L'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue peut être reportée, jusqu'à la 72e heure de garde à vue en matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme, et jusqu'à la 48e heure pour les autres infractions.
- Modification du régime de la retenue douanière en conséquence notamment de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2010 (art 19 supprimant l'article 323 du code des douanes et ajoutant les articles 323-1 à 323-10).
- Possibilité de placer sous la responsabilité d'un tiers de confiance une personne en état d'ivresse qu'il n'est pas nécessaire d'entendre immédiatement après qu'elle a recouvré la raison. L'objectif est d'éviter de multiplier inutilement les placements en cellule de dégrisement (art. 20 modifiant l'article L. 3341-1 du code de la santé publique).
- Entrée en vigueur au 1er juin 2011 et au plus tard le 1er juillet 2011 (art. 24). En effet, cette dernière date est celle fixée par le Conseil constitutionnel pour donner effet à ses décisions d'inconstitutionnalité portant abrogation.
Chapitre Ier : Dispositions relatives à l'encadrement de la garde à vue (art. 1 à 12)
Chapitre II : Dispositions diverses (art. 13 à 26)
A noter : Le droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue et la première audition a été admis par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 15 avril 2011 (n° 10-17049) qui anticipe ainsi sur l'application de la disposition de la présente loi organique reconnaissant ce droit.
Pas de saisine préalable du Conseil Constitutionnel
Rubriques : droit, justice et professions juridiques / pénal et pénitentiaire
Voir aussi :
CC 30 juillet 2010 M. Daniel W. et autres [Garde à vue] - CC 22 septembre 2010 Samir M. et autres [Retenue douanière] - CC 17 février 2012 Ordre des avocats au Barreau de Bastia [Garde à vue en matière de terrorisme : désignation de l'avocat]