Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (loi Perben II) (Lien Legifrance, JO 10/03/2004, p. 4567)
Les principales dispositions
Longue loi de 224 articles qui modifie et complète principalement le code de procédure pénale et le code pénal, mais aussi des lois comme la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Parmi les nombreuses dispositions on peut noter :A noter : 1° Le projet de loi considéré comme porteur de menaces pour les libertés publiques et de risques d'arbitraire a suscité inquiétudes et critiques, notamment par les avocats et une partie de la presse. Voir par exemple : Le Monde 28 janvier 2004, "Loi Perben : les cinq points inquiétants pour les libertés publiques". Le point d'orgue de cette contestation a sans doute été la journée de grève générale des avocats du 11 février 2004.
- Pour lutter contre la délinquance et la criminalité organisées, des procédures spéciales sont développées ou créées (art. 1er).
- L'infiltration d'un agent (ou officier) de police judiciaire - c'est-à-dire le fait pour lui de se faire passer, sans risques de poursuites, pour un complice ou un receleur - n'est plus cantonnée à la lutte contre le trafic de stupéfiants mais peut être utilisée pour l'ensemble des crimes et délits énumérés à l'art. 706-73 du code de procédure pénale.
- La garde à vue peut être prolongée jusqu'à une durée de 96 heures pour une plus longue liste de crimes.
- La durée de l'enquête en flagrance est portée de 8 à 15 jours.
- Les perquisitions de nuit même dans des locaux d'habitation et sans le consentement des intéressés ne sont plus cantonnées à la lutte contre le terrorisme.
- La sonorisation et la fixation d'images, dans des véhicules et des lieux privés, sans le consentement des intéressés, sont légalisées mais soumises à des conditions.
- Des interceptions de "correspondances émises par la voie des télécommunications" peuvent être autorisées par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, à la requête du procureur de la République.
- Les pouvoirs des procureurs sont accrus en enquête (passim).
- La rémunération des indicateurs de police est explicitement prévue (art. 3). La gendarmerie peut également recourir aux informateurs.
- La diffusion de procédés permettant la réalisation d'engins de destruction devient une incrimination (art. 7).
- Les personnes ayant permis d'éviter la réalisation d'infractions, de les faire cesser, d'en atténuer les dommages, ou d'identifier leurs auteurs ou complices peuvent légalement bénéficier d'exemptions ou de réductions de peines (art. 12). Le "statut" de repenti est ainsi juridiquement reconnu.
- La lutte contre diverses infractions (en matière économique, douanière, de santé publique, de pollution des eaux maritimes, de racisme, etc.) est renforcée (passim).
- Dans plusieurs hypothèses, le droit pour une personne en garde à vue d'avoir un entretien avec un avocat est retardé (passim).
- L'entraide judiciaire internationale est améliorée (art. 17). Le mandat d'arrêt européen est notamment inscrit en droit français (art. 695-11 du code de procédure pénale).
- Le stage de citoyenneté est institué comme peine substitutive à une peine d'emprisonnement que la juridiction peut prescrire à l'auteur d'un délit (art. 44 de la loi, art. 131-5-1 du code pénal). Ses modalités, sa durée et son contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Elle a pour objet de rappeler à l'auteur du délit les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société.
- Le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FNAIS ou FIJAIS) est créé (art. 48). Dans ce fichier seront enregistrées, pour une durée pouvant atteindre trente ans, l'identité et les adresses successives des personnes - majeurs et même mineurs - ayant été condamnées pour crimes ou délits sexuels (à l'exception des cas d'exhibitionnisme et de harcèlement sexuel). Ce fichier confidentiel, consultable seulement par des autorités judiciaires et certaines administrations d'Etat, complète le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) créé par la loi Sarkozy. Son objectif est de faciliter la prévention et l'élucidation des infractions sexuelles les plus graves.
- Des pouvoirs sont reconnus au ministre de la justice en matière d'action publique (art. 63). Il peut notamment adresser aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique et dénoncer au procureur général des infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre de faire engager des poursuites.
- Un nouvel article du code général des collectivités territoriales (art. L. 2211-3) prévoit l'information sans délai des maires par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie sur les infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune (art. 73).
- Une nouvelle procédure de jugement des délits, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (art. 137), ou plus simplement le plaider-coupable, est instituée . Son objectif est de permettre une meilleure administration de la justice, c'est-à-dire concrètement de désengorger les tribunaux. Le Conseil constitutionnel ayant censuré la disposition de l'article prévoyant que les séances d'homologation auraient lieu "en chambre du conseil", ces séances devront donc être publiques.
- Des tribunaux de l'application des peines sont créés (art. 161). Ils forment avec les juges de l'application des peines les juridictions de l'application des peines du premier degré. Leurs décisions peuvent être attaquées par la voie de l'appel par le condamné, par le procureur de la République et par le procureur général.
- Le juge de l'application des peines peut interdire à un condamné pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et d'intervenir publiquement relativement à cette infraction (art. 176). Cette disposition vise à protéger les droits des victimes.
- Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine ("crédit de peine") calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois (art. 193). Lors de sa mise sous écrou, le condamné est informé par le greffe de la date prévisible de sa libération compte tenu du crédit de peine. Mais en cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut être saisi par le chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait de cette réduction de peine.
- Le placement sous surveillance électronique ("bracelet électronique") est pleinement intégré au code pénal comme modalité d'exécution des peines. Désormais de nombreuses dispositions du code pénal y font référence (passim).
2° Un amendement parlementaire (M. Garraud) a prévu une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende en cas d'interruption de grossesse causée "par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence". Les peines devaient être doublées lorsque la faute pouvait être considérée comme délibérée. Ces dispositions qui donnant un statut au foetus (contrairement à la position de la cour de cassation) créaient un délit d'interruption involontaire de grossesse, ont suscité les craintes d'associations féministes et de médecins et ont finalement été abandonnées.
3° Un amendement parlementaire (M. Zocchetto) qui n'a finalement pas été repris par la loi constituait en délit la diffusion par les médias d'informations sur la constitution de partie civile portant sur les faits objets des allégations diffamatoires.
Décision du Conseil Constitutionnel
CC 2 mars 2004 Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Commentaires
DUFOUR Olivia, Le "plaider-coupable" à la française inquiète le monde judiciaire, LPA, 2004, 25 mai, p. 3.
DUFOUR Olivia, "Perben II" bientôt à l'épreuve de la pratique, LPA, 2004, 17 mars.
Voir aussi :
Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure - Loi n° 2005-847 du 26 juillet 2005 précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité - CC 14 juin 2013 M. Jeremy F. [Absence de recours en cas d'extension des effets du mandat d'arrêt européen]