Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (loi LEN ou LCEN) (JO 22/06/2004, p. 11168)
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Les principales dispositions
La loi (58 articles) fixe le cadre du droit de l'Internet et assure, avec retard, la transposition de la directive communautaire 2000/31CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique. Pour cela, elle modifie plusieurs lois antérieures - principalement la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication mais aussi la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle -, et plusieurs codes (code de la propriété intellectuelle, code des postes et télécommunications, code général des collectivités territoriales, code civil, code de la consommation, code de procédure pénale, code pénal). Elle se compose de six titres :
De la liberté de communication en ligne (Titre Ier : art. 1 à 13)Du commerce électronique (Titre II : art. 14 à 28)
- Le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique est affirmé et intégré à la loi du 30 septembre 1986 précitée (art. 1er). Toutefois, cette liberté, comme la liberté de la communication audiovisuelle qui lui préexistait, peut être limitée pour un ensemble de motifs visant à assurer le respect de : la dignité de la personne humaine, la liberté et la propriété d'autrui, le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'ordre public, les besoins de la défense nationale, les exigences de service public, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, et la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle (art. 1er, I et IV).
- De nouveaux concepts se substituent pour une part aux anciens (art. 1er). Ainsi, la communication au public en ligne est définie comme "toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur" (art. 1er, IV).
- L'architecture de l'ensemble semble être la suivante. Au niveau le plus global, ce sont les communications électroniques. Elles comprennent notamment : 1° les communications au public par voie électronique, c'est-à-dire d'une part la communication audiovisuelle (services de télévision, services de radio), et d'autre part, la communication au public en ligne (télématique, "Internet ", ...) ; 2° les communications privées par voie électronique (le courrier électronique) (art. 1er).
- Les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public doivent veiller à ce que les nouvelles technologies soient adaptées à leurs personnels handicapés (art. 3).
- La notion de " standard ouvert " est définie comme "tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en oeuvre" (art. 4).
- La communication au public en ligne est soumise à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Toute personne nommée ou désignée dans un tel service de communication bénéficie d'un droit de réponse et le délai de prescription des infractions (trois mois) court, suite à la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2004, à compter du jour de la première diffusion (art. 6 ).
- Les hébergeurs sont responsables s'ils ne retirent pas des données manifestement illicites ou dont le retrait a été ordonné par le juge (art. 6, en tenant compte de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision précitée). La dénonciation abusive de l'illicéité de la diffusion de certaines données est pénalement condamnable (art. 6, I, 4°).
- Le code de la propriété intellectuelle est modifié afin de renforcer les moyens de lutter contre les atteintes aux droits d'auteur : suspension judiciaire du contenu d'un service de communication au public en ligne, publication des condamnations aussi sur les services de communication au public en ligne (art. 8).
- La responsabilité civile et pénale des personnes assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de télécommunications ou de fourniture d'accès à un réseau de télécommunications et de celles assurant une activité de stockage automatique, intermédiaire et temporaire des contenus qu'un prestataire transmet ne peut être engagée que dans certaines hypothèses (modification des contenus, sélection des destinataires, entraves diverses, etc.)(art. 9).
De la sécurité dans l'économie numérique (Titre III : art. 29 à 46)
- Le commerce électronique est défini comme "l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services" (art. 14). La loi fait également entrer dans son champ "les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent".
- Quelques activités (art. 16) sont exclues de la liberté du commerce électronique lorsqu'elles sont exercées sur le territoire national (jeux d'argent - y compris sous forme de paris et de loteries -, activités de représentation et d'assistance en justice, activités exercées par les notaires). Les règles applicables au commerce électronique sont rappelées.
- Le principe est que l'activité de commerce électronique est soumise à la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie (art. 17). Il n'en va autrement qu'en cas de commune intention de cette personne et de celle à qui sont destinés les biens ou services.
- Un pouvoir de police est accordé à l'autorité administrative à l'égard de personnes ayant une activité de commerce électronique (art. 18). Un décret doit en préciser en contours.
- Le commerce électronique est soumis à des principes généraux : responsabilité pour la bonne exécution du contrat (art..15), obligations de diverses mentions (nom, raison sociale, ...) pour l'information de la clientèle (art. 19), ..
- La publicité par voie électronique doit comporter obligatoirement une identification. L'envoi non sollicité de messages publicitaires par l'utilisation des coordonnées d'une personne - le "spam" - est interdit (art. 22). La Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL) veille au respect des dispositions relatives à la prospection directe et peut recevoir les plaintes relatives aux infractions.
- Le régime juridique des contrats conclus sous forme électronique est précisé par des dispositions intégrées notamment au code civil (art. 25). Le gouvernement est habilité à étendre par voie d'ordonnance le champ du contrat électronique (art. 26).
- Les contrats conclus par voie électronique dont le montant dépasse un seuil fixé par décret doivent être conservés par le commerçant en ligne de façon à garantir à tout moment l'accès par son cocontractant (art. 27).
Des systèmes satellitaires (Titre IV : art. 47 à 49)
- D'une part, le titre se compose de dispositions relatives à la cryptologie : définition (art. 29), principe de liberté d'utilisation des moyens de cryptologie mais avec des obligations (art. 30), déclaration obligatoire auprès du Premier ministre des prestataires de service de cryptologie (art. 31), responsabilité civile de ces prestataires et des prestataires de services de certification électronique (art. 32 et 33), sanctions administratives et pénales en matière de cryptologie (art. 34 et 35), aggravation des peines en cas d'utilisation de moyens de cryptologie (art. 37), etc.
- D'autre part, le titre comprend des dispositions de lutte contre la cybercriminalité. La saisie et la copie des données informatiques, voire leur destruction sur instruction du procureur de la République sont possibles (art. 41). Les infractions de piraterie informatique (maintien non autorisé dans un système informatique, introduction ou corruption de données, etc.) prévues aux articles 323-1 à 323-3 du code pénal sont plus sévèrement punies (art. 45). La loi crée une nouvelle infraction (art. L. 323-3-1 du code pénal) qui consiste à importer, détenir, offrir, céder ou mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçus ou spécialement adaptés pour commettre une infraction
Un système satellitaire est défini comme "tout ensemble de stations terriennes et spatiales ayant pour objet d'assurer des radiocommunications spatiales et comportant un ou plusieurs satellites artificiels de la Terre" (art. 47). La procédure d'assignation de fréquence relative à un système satellitaire par l'Agence nationale des fréquences est établie (art. 48).
Du développement des technologies de l'information et de la communication (Titre V, art. 50 à 55)Dispositions finales (Titre VI, art. 56 à 58)
- Les collectivités territoriales peuvent devenir opérateur de télécommunication (art. 50), c'est-à-dire établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de télécommunications. L'objectif est de permettre une meilleure couverture du territoire et ainsi de lutter contre certains aspects de la "fracture numérique".
- Tout opérateur de téléphonie vocale est obligé de proposer une facturation de la communication à la seconde (art. 53).
- La possibilité de vote électronique est étendue aux élections des délégués du personnel et des comités d'entreprise (art. 54).
- Des services sociaux doivent mettre à la disposition des usagers des numéros d'appel spéciaux accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes et mobiles (art. 55).
Elles déterminent principalement les conditions d'application de la loi à certaines collectivités d'outre-mer (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, etc.).
Décision du Conseil Constitutionnel
CC 10 juin 2004 Loi pour la confiance dans l'économie numérique
Commentaires
CAPRIOLI E. (Dir.), La loi confiance dans l'économie numérique, Gualino, 2005.
PUGEAULT S. et GROUD H., Les nouvelles conditions d'intervention des collectivités territoriales en matière de télécommunication, Dr. adm., 2004, oct., p. 12.
BENSOUSSAN A. et BARBRY E. (Dir.), La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, Gazette du Palais, 2004.
DERIEUX Emmanuel, Instabilité et incertitudes législatives dans le domaine des communications au public par voie électronique, LPA, 2004, 12 nov., pp. 3-11.
RAPP Lucien, Le droit des communications entre réglementation et régulation (comment. des lois n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux services de communications électroniques), AJDA, 2004, 1er nov., pp. 2047-2058.
BABIN L. et MACAIRE A., Réseaux de télécommunications : le recours aux contrats de partenariats public-privé, LPA, 2004, 10 sept., pp. 3-11.
PENNEAU Anne, Contrat électronique et protection du cybercontractant. Du code de la consommation au Code civil, LPA, 2004, 13 mai.
Voir aussi :
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication - Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle - Ordonnance n° 2005-674 du 16 juin 2005 relative à l'accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique - Décret n° 2007-663 du 2 mai 2007 pris pour l'application des articles 30, 31 et 36 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et relatif aux moyens et aux prestations de cryptologie