Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République (Lien Legifrance, JO 24/07/2008, p. 11890)
Les principales dispositions
Vingt-quatrième révision de la Constitution, la loi constitutionnelle de 47 articles a été adoptée selon la procédure prévue à l'art. 89, al. 3, de la Constitution par le Parlement réuni en Congrès, le 21 juillet 2008, par une seule voix au-dessus de la majorité requise des trois cinquièmes des suffrages exprimés (539 contre 357). Elle contient les dispositions suivantes :
Pas de saisine du Conseil Constitutionnel
- inscription de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales, dans l'art. 1er de la Constitution (art. 1er de la loi constitutionnelle). Par voie de conséquence, l'art. 3 de la Constitution est partiellement abrogé.
- affirmation des expressions pluralistes des opinions et de la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation comme des principes que la loi doit respecter (art. 2 modifiant l'art. 4 de la Constitution).
- limitation à 2 du nombre de mandats consécutifs qu'une personne peut exercer comme président de la République (art. 3 modifiant l'art. 6).
- institution d'une sorte de référendum d'initiative populaire : initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (art. 4 modifiant l'art. 11).
- avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée avant nomination par le président de la République pour des emplois ou fonctions dont la liste est définie par une loi organique en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation (art. 5 modifiant l'art. 13). Lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, le président de la République ne peut procéder à la nomination.
- contrôle par le Conseil constitutionnel de la mise en oeuvre par le président de la République des pouvoirs exceptionnels prévus par l'art. 16 (art. 6 modifiant l'art. 16).
- limitation du droit de grâce du président de la République aux mesures individuelles (art. 7 modifiant l'art. 17).
- possibilité de convoquer le parlement en congrès afin qu'il entende une déclaration présidentielle (art. 8 modifiant l'art. 18). Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote.
- détermination par la Constitution du nombre maximum de députés (577) et de sénateurs (348) (art. 9 modifiant l'art. 24). Désormais, les Français établis hors de France sont également représentés à l'Assemblée nationale.
- avis public d'une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs (art. 10 modifiant l'art. 25).
- extension du domaine de la loi, notamment en ce qui concerne les règles portant sur le pluralisme et l'indépendance des médias et le régime électoral des assemblées locales, ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales (art. 11 modifiant l'art. 34).
- possibilité pour les assemblées de voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique (art. 12 insérant un art. 34-1). Mais sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qui contiennent des injonctions à son égard.
- obligation pour le gouvernement d'informer le parlement, dans un délai de trois jours après le début de l'intervention, de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger (art. 13 complétant l'art. 35). Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.
- obligation de ratifier de manière expresse les ordonnances (art. 14 complétant l'art. 38).
- précisions sur les conditions de présentation des projets de loi (une loi organique devant les préciser) et d'inscription à l'ordre du jour, ainsi que de saisine du Conseil d'Etat préalablement à l'examen d'une proposition de loi (art. 15 modifiant l'art. 39).
- possibilité d'opposer l'irrecevabilité d'une proposition ou d'un amendement étendue aux présidents des assemblées (art. 16 modifiant l'art. 41).
- établissement d'un délai entre le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi et sa discussion (art. 17 modifiant l'art. 42).
- modifications de la procédure législative (art. 17 à 21 modifiant les art. 42, 43, 44, 45 et 46).
- énonciation du rôle de la Cour des comptes (assistance du parlement dans le contrôle de l'action du gouvernement) dans un nouvel article (art. 22 insérant un art. 47-2).
- fixation de l'ordre du jour par chaque assemblée mais deux semaines sur quatre, il est déterminé par le gouvernement et une semaine sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques (art. 23 modifiant l'art. 48). Les groupes d'opposition peuvent fixer l'ordre du jour pour une séance mensuelle.
- possibilité pour le gouvernement d'engager sa responsabilité sur un texte limité à deux fois par session (art. 24 modifiant l'art. 49).
- possibilité pour le gouvernement de faire des déclarations sur un sujet déterminé devant l'une ou l'autre des assemblées (art. 25 insérant un art. 50-1).
- détermination par le règlement de chaque assemblée des droits des groupes parlementaires constitués en son sein (art. 26 insérant un art. 51-1).
- possibilité pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation de créer des commissions d'enquête au sein de chaque assemblée (art. 26 insérant un art. 51-2).
- soumission des nominations des membres du Conseil constitutionnel à la procédure prévue par le dernier alinéa de l'art. 13 (avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée) (art. 27 modifiant l'art. 56).
- ajout des propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum à la liste des textes devant être obligatoirement soumis au Conseil Constitutionnel pour un contrôle de conformité à la Constitution (art. 28 modifiant l'art. 61).
- introduction de l'exception d'inconstitutionnalité sous la forme d'une question préjudicielle du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation au Conseil constitutionnel (art. 29 insérant un art. 61-1). Une loi organique devra en déterminer les conditions d'application.
- indication des effets d'une déclaration d' inconstitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 : abrogation à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision (art. 30 modifiant l'art. 62). Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.
- modification de la composition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : le président de la République n'en est plus le président et le ministre de la justice son vice-président de droit (art. 31 modifiant l'art. 65). Un justiciable pourra le saisir dans les conditions fixées par une loi organique.
- changement de dénomination du Conseil Economique et Social qui devient le Conseil économique, social et environnemental (art. 32 et s. modifiant notamment l'intitulé du titre XI de la Constitution).
- possibilité de saisine du Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique (art. 33 complétant l'article 69 de la Constitution). Après examen de la pétition, il fait connaître au gouvernement et au parlement les suites qu'il propose d'y donner.
- possibilité pour le Parlement de saisir le Conseil économique, social et environnemental (art. 34 modifiant l'art. 70).
- modification rédactionnelle pour tenir compte de la nouvelle dénomination du Conseil économique, social et environnemental et fixation à 233 le nombre maximum de ses membres (art. 35 et 36 modifiant l'art. 71).
- mise à jour de l'art. 72-3 essentiellement pour tenir compte de l'institution de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en collectivités d'outre-mer (art. 37).
- possibilité pour des règlements d'habiliter les départements et régions d'outre-mer à décider de mesures d'adaptation (art. 38 modifiant l'art. 73).
- modification des dispositions portant sur les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie (art. 39 modifiant l'article 74-1).
- reconnaissance de l'appartenance des langues régionales au patrimoine de la France (art. 40 insérant un art. 75-1).
- institution d'un Défenseur des droits (art. 41 insérant un Titre XI bis comprenant un art. 71-1). Nommé pour six ans par le président de la République, il est chargé de veiller au respect des droits et libertés par les personnes publiques et peut être saisi par toute personne s'estimant lésée. Une loi organique doit notamment définir ses attributions et ses modalités d'intervention.
- affirmation du principe de la participation de la France au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage (art. 42 rétablissant un art. 87).
- extension de l'obligation d'information du Parlement sur les projets ou propositions d'actes européens et institution d'une commission chargée des affaires européennes au sein de chaque assemblée parlementaire (art. 43 modifiant l'art. 88-4).
- soumission à référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes. Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la procédure prévue au 3e alinéa de l'article 89 de la Constitution, c'est-à-dire par le parlement réuni en congrès (art. 44 modifiant l'art. 88-5).
- ajout de la précision selon laquelle le projet ou la proposition de révision constitutionnelle doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 (art. 45 modifiant l'art. 89).
- détermination des conditions d'entrée en vigueur (art. 46) : immédiate, au 1er mars 2009 (modifications des art. 41, 42, 43, 45, 46, 48, 49, 50-1, 51-1 et 51-2 de la Constitution) ou subordonnée à l'édiction des lois ou lois organiques de renvoi (modifications des art. 11, 13, dernier al. art. 25, art. 34-1, 39, 44, 56, 61-1, 65, 69, 71-1 et 73 de la Constitution).
- indication des modifications à la Constitution (titre XV de la Constitution, art. 88-4, 88-5 et 88-6) devant intervenir à compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007 (art. 47).
Rubrique : pouvoirs publics
Commentaires
L'impact de la révision constitutionnelle de 2008 sur le droit administratif (Dossier), AJDA, 2008, 13 oct., pp. 1858-1892.
DELVOLVÉ Pierre, Incohérences in Dossier Droit administratif et justice administrative. Permanence et renouveau, RFDA, 2008, n° 3, p. 469 (sur l'amendement finalement écarté tendant à introduire dans l'art. 34 de la Constitution, un alinéa attribuant à la loi la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l'art. 66)
Une nouvelle Constitution ? (Commentaire article par article du texte de la loi du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République) (40 contrib.), LPA, 2008, 19 déc..
Du nouveau dans la Constitution ? (Commentaire article par article du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République) (40 contrib.), LPA, 2008, 14 mai.
DELVOLVÉ Pierre, L'apport de la réforme constitutionnelle au droit administratif in Dossier L'articulation des normes constitutionnelles et des normes administratives : La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, RFDA, 2008, n° 5, pp. 861-870.
GONOD Pascale, Le Conseil d'Etat, conseil du Parlement. A propos de l'article 39 alinéa 3 nouveau de la Constitution in Dossier L'articulation des normes constitutionnelles et des normes administratives : La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, RFDA, 2008, n° 5, pp. 871-876.
LAVIALLE Christian, Du nominalisme juridique. Le nouvel article 75-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 in Dossier : Aspect du statut des langues, RFDA, 2008, n° 6, pp. 1110-1115.
MÉNARD Jean-Christophe, Le défenseur des droits : "un monstre bureaucratique", "gadget constitutionnel" ou garantie effective des libertés ?, LPA, 2008, 24 oct., pp. 4-8.
LE POURHIET Anne-Marie, De la raison d''Etat à l'empire du droit, LPA, 2008, 20 oct., pp. 3-5.
A propos de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, Actes du colloque du 3 avril 2009, LPA, 23 oct., n° spécial.
Voir aussi :
Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République