TC 17 mars 1949 Société "Hôtel du Vieux-Beffroi" - Société "Rivoli-Sébastopol" n° 01077 et 01086

Fiche

I. - Soc. «Hôtel du Vieux Beffroi» n° 01077 
    Considérant que la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire ; 
    Considérant qu'un hôtel, sis à Béthune, et appartenant à la Société à responsabilité limitée «Hôtel du Vieux Beffroi» a été réquisitionné, le 11 septembre 1944, par l'autorité militaire britannique ; que, le 8 décembre 1944, le directeur du Service départemental des Prisonniers et Déportés fut autorisé par le commandement anglais à installer dans l'hôtel un centre d'accueil pour rapatriés ; que la réquisition fut levée le 10 avril 1945 par l'autorité militaire britannique; que, néanmoins l'immeuble ne fut remis à la disposition de la société propriétaire que le 25 janvier 1946 ;
    Considérant que la société ci-dessus désignée a assigné le ministre de la Population aux fins d'entendre condamner l'Etat au paiement de la somme de 191.250 fr., à titre d'indemnité en réparation du préjudice causé ;
    Considérant. que le tribunal de Béthune, par jugement du 1er avril 1947, a fait droit à cette demande, réduisant toutefois à 156.000 fr. le montant des dommages-intérêts alloués ; que la cour d'appel de Douai, saisie de l'appel du ministre de la Population et d'un déclinatoire de compétence du préfet du Pas-de-Calais, s'est, par arrêt en date du 2 février 1948, déclaré compétente et a renvoyé 1'affaire pour être statué au fond ; que le préfet du Pas-de-Calais a élevé le conflit d'attribution par arrêté du 14 février 1948 ;
     Considérant que les conclusions dont ont été saisis les tribunaux judiciaires ne soulevaient aucune question relative à l'appréciation de la légalité ou à l'interprétation d'un acte administratif, l'administration ayant reconnu elle-même, devant ces tribunaux, que, entre la levée de la réquisition par les autorités militaires britanniques, en avril ou mai 1945, et le 25 janvier 1946, date à laquelle l'immeuble fut remis à la disposition de la société propriétaire, aucun ordre de réquisition n'est intervenu;
     Considérant que, dans les circonstances susrelatées de l'espèce, l'occupation des locaux litigieux constituait non l'exercice des droits attribués à l'administration par les textes législatifs applicables aux réquisitions mais une emprise sur une propriété privée immobilière, ayant le caractère d'une occupation irrégulière; qu'il ne pouvait, dès lors, appartenir qu'à l'autorité judiciaire de statuer sur la demande d'indemnité formée par la Société «Hôtel du Vieux Beffroi», en raison de l'ensemble des préjudices résultant de cette occupation; qu'ainsi, c'est à tort que le préfet a élevé le conflit d'attribution; (arrêté de conflit annulé)

II. - Soc. «Rivoli-Sébastopol» 01086
...
     Considérant que la Société immobilière Rivoli-Sébastopol, estimant que les réquisitions prononcées par les arrêtés des 1er juillet 1946 et 30 avril 1947 n'avaient pas la même étendue que celle prononcée le 22 novembre 1941, a demandé au juge des référés l'expulsion de l'administration des anciens combattants de locaux qui se trouveraient, depuis le 30 juin 1946, en dehors de toute réquisition;
     Considérant que si la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire, la mission conférée à celle-ci se trouve limitée par l'interdiction qui lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an 3 de connaître des actes de l'administration; que, lorsqu'elle est saisie de conclusions tendant à l'expulsion d'un service public de locaux dont le demandeur s'est trouvé privé du fait d'un acte administratif, la juridiction civile doit donc - hormis le cas, où, manifestement insusceptible de se rattacher à l'application d'un texte législatif ou réglementaire, l'acte dont s'agit ne constituerait de toute évidence qu'une simple voie de fait - se déclarer incompétente; ...

 

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