I. - Soc. «Hôtel du Vieux Beffroi»
n° 01077
Considérant que la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire ;
Considérant qu'un hôtel, sis à Béthune, et appartenant à la Société à responsabilité limitée «Hôtel du Vieux Beffroi» a été réquisitionné, le 11 septembre 1944, par l'autorité militaire britannique ; que, le 8 décembre 1944, le directeur du Service départemental des Prisonniers et Déportés fut autorisé par le commandement anglais à installer dans l'hôtel un centre d'accueil pour rapatriés ; que la réquisition fut levée le 10 avril 1945 par l'autorité militaire britannique; que, néanmoins l'immeuble ne fut remis à la disposition de la société propriétaire que le 25 janvier 1946 ;
Considérant que la société ci-dessus désignée a assigné le ministre de la Population aux fins d'entendre condamner l'Etat au paiement de la somme de 191.250 fr., à titre d'indemnité en réparation du préjudice causé ;
Considérant. que le tribunal de Béthune, par jugement du 1er avril 1947, a fait droit à cette demande, réduisant toutefois à 156.000 fr. le montant des dommages-intérêts alloués ; que la cour d'appel de Douai, saisie de l'appel du ministre de la Population et d'un déclinatoire de compétence du préfet du Pas-de-Calais, s'est, par arrêt en date du 2 février 1948, déclaré compétente et a renvoyé 1'affaire pour être statué au fond ; que le préfet du Pas-de-Calais a élevé le conflit d'attribution par arrêté du 14 février 1948 ;
Considérant que les conclusions dont ont été saisis les
tribunaux judiciaires ne soulevaient aucune question relative à l'appréciation de la
légalité ou à l'interprétation d'un acte administratif, l'administration ayant reconnu
elle-même, devant ces tribunaux, que, entre la levée de la réquisition par les
autorités militaires britanniques, en avril ou mai 1945, et le 25 janvier 1946, date à
laquelle l'immeuble fut remis à la disposition de la société propriétaire, aucun ordre
de réquisition n'est intervenu;
Considérant que, dans les
circonstances susrelatées de l'espèce, l'occupation des locaux litigieux constituait non
l'exercice des droits attribués à l'administration par les textes législatifs
applicables aux réquisitions mais une emprise sur une propriété privée immobilière,
ayant le caractère d'une occupation irrégulière; qu'il ne pouvait, dès lors,
appartenir qu'à l'autorité judiciaire de statuer sur la demande d'indemnité formée par
la Société «Hôtel du Vieux Beffroi», en raison de l'ensemble des préjudices
résultant de cette occupation; qu'ainsi, c'est à tort que le préfet a élevé le
conflit d'attribution; (arrêté de conflit annulé)
II. - Soc. «Rivoli-Sébastopol» n° 01086
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Considérant que la Société immobilière
Rivoli-Sébastopol, estimant que les réquisitions prononcées par les arrêtés des 1er
juillet 1946 et 30 avril 1947 n'avaient pas la même étendue que celle prononcée le 22
novembre 1941, a demandé au juge des référés l'expulsion de l'administration des
anciens combattants de locaux qui se trouveraient, depuis le 30 juin 1946, en dehors de
toute réquisition;
Considérant que si la protection de
la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l'autorité
judiciaire, la mission conférée à celle-ci se trouve limitée par l'interdiction qui
lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an 3 de connaître des
actes de l'administration; que, lorsqu'elle est saisie de conclusions tendant à
l'expulsion d'un service public de locaux dont le demandeur s'est trouvé privé du fait
d'un acte administratif, la juridiction civile doit donc - hormis le cas, où,
manifestement insusceptible de se rattacher à l'application d'un texte législatif ou
réglementaire, l'acte dont s'agit ne constituerait de toute évidence qu'une simple voie
de fait - se déclarer incompétente; ... |