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Sur les conclusions à fin d'annulation du décret attaqué :
Considérant que l'article 76 de la Constitution, dans la
rédaction qui lui a été donnée par l'article 2 de la loi constitutionnelle du 20
juillet 1998 énonce, dans son premier alinéa, que : "Les populations de la
Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les
dispositions de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au
Journal officiel de la République française"; qu'en vertu du deuxième alinéa de
l'article 76 : "Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les
conditions fixées à l'article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988";
qu'enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article 76 : "Les mesures
nécessaires à l'organisation du scrutin sont prises par décret en Conseil d'Etat
délibéré en Conseil des ministres"; que le décret du 20 juillet 1998 a été pris
sur le fondement de ces dernières dispositions;
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
Quant au défaut de consultation du Conseil constitutionnel :
Considérant que selon l'article 60 de la Constitution :
"Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations de référendum
et en proclame les résultats"; qu'à ce titre, il doit notamment, comme le prescrit
l'article 46 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique, être
"consulté par le gouvernement sur l'organisation des opérations de
référendum"; qu'en vertu de l'article 3 de la Constitution, "la souveraineté
nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum";
Considérant qu'il ressort de ces dispositions que seuls les
référendums par lesquels le peuple français exerce sa souveraineté, soit en matière
législative dans les cas prévus par l'article 11 de la Constitution, soit en matière
constitutionnelle comme le prévoit l'article 89, sont soumis au contrôle du Conseil
constitutionnel;
Considérant qu'il suit de là que le décret attaqué, dont
l'objet est limité à l'organisation d'une consultation des populations intéressées de
Nouvelle-Calédonie, n'avait pas à être précédé de l'intervention du Conseil
constitutionnel, alors même que ladite consultation trouve son fondement dans des
dispositions de valeur constitutionnelle;
Quant au défaut de consultation du Congrès du territoire :
Considérant que, selon le deuxième alinéa de l'article 74
de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 :
"Les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui
définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres et modifiés, dans
la même forme, après consultation de l'assemblée territoriale intéressée"; que
le troisième alinéa du même article dispose que : "Les autres modalités de leur
organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de
l'assemblée territoriale intéressée";
Considérant que la fixation par voie de décret en Conseil
d'Etat délibéré en Conseil des ministres des mesures de nature réglementaire
nécessaires à l'organisation du scrutin prévu par l'article 76 de la Constitution, dans
sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, n'entre pas dans le
champ des prévisions des dispositions susmentionnées de l'article 74 de la Constitution;
qu'en conséquence, l'avis du Congrès du territoire de Nouvelle-Calédonie n'était pas
requis préalablement à l'intervention du décret attaqué;
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
Quant aux moyens dirigés contre les articles 3 et 8 du décret attaqué :
Considérant que l'article 3 du décret du 20 août 1998
dispose que : "Conformément à l'article 76 de la Constitution et à l'article 2 de
la loi du 9 novembre 1988 (...) sont admis à participer à la consultation du 8 novembre
1998 les électeurs inscrits à cette date sur les listes électorales du territoire et
qui ont leur domicile en Nouvelle-Calédonie depuis le 6 novembre 1988"; qu'il est
spécifié que : "Sont réputées avoir leur domicile en Nouvelle-Calédonie alors
même qu'elles accomplissent le service national ou poursuivent un cycle d'études ou de
formation continue hors du territoire, les personnes qui avaient antérieurement leur
domicile dans le territoire"; que l'article 8 du décret précise dans son premier
alinéa, que la commission administrative chargée de l'établissement de la liste des
personnes admises à participer à la consultation, inscrit sur cette liste les électeurs
remplissant à la date de la consultation la condition de domicile exigée par l'article 2
de la loi du 9 novembre 1988;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le
deuxième alinéa de l'article 76 de la Constitution dispose que : "Sont admises à
participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l'article 2 de
la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988"; que ce dernier article exige que les
intéressés soient domiciliés en Nouvelle-Calédonie depuis le 6 novembre 1988, sous
réserve des exceptions qu'il énumère dans son second alinéa et qui sont reprises par
l'article 3 du décret attaqué; qu'ainsi, les articles 3 et 8 dudit décret, loin de
méconnaître l'article 76 de la Constitution en ont fait une exacte application;
Considérant que l'article 76 de la Constitution ayant
entendu déroger aux autres normes de valeur constitutionnelle relatives au droit de
suffrage, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées du décret attaqué
seraient contraires aux articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution ou à l'article 3 de la
Constitution ne peut qu'être écarté;
Considérant que si l'article 55 de la
Constitution dispose que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous
réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie", la
suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans
l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle; qu'ainsi, le moyen tiré de
ce que le décret attaqué, en ce qu'il méconnaîtrait les stipulations d'engagements
internationaux régulièrement introduits dans l'ordre interne, serait par là même
contraire à l'article 55 de la Constitution, ne peut lui aussi qu'être écarté;
Considérant que si les requérants invitent le Conseil
d'Etat à faire prévaloir les stipulations des articles 2, 25 et 26 du pacte des Nations
unies sur les droits civils et politiques, de l'article 14 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 du
protocole additionnel n° 1 à cette convention, sur les dispositions de l'article 2 de la
loi du 9 novembre 1988, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que par l'effet
du renvoi opéré par l'article 76 de la Constitution aux dispositions dudit article 2,
ces dernières ont elles-mêmes valeur constitutionnelle;
Considérant enfin que, dans la mesure où les articles 3 et
8 du décret attaqué ont fait une exacte application des dispositions constitutionnelles
qu'il incombait à l'auteur de ce décret de mettre en uvre, ne sauraient être
utilement invoquées à leur encontre ni une méconnaissance des dispositions du code
civil relatives aux effets de l'acquisition de la nationalité française et de la
majorité civile ni une violation des dispositions du code électoral relatives aux
conditions d'inscription d'un électeur sur une liste électorale dans une commune
déterminée;
Quant aux moyens dirigés contre l'article 13 du décret attaqué :
Considérant que l'article 13 du décret attaqué rend
applicables à la contestation de l'établissement de la liste des personnes habilitées
à participer au scrutin du 8 novembre 1998, les dispositions du code électoral relatives
aux voies de recours ouvertes en cas de révision annuelle des listes électorales,
moyennant un agencement particulier des délais;
Considérant qu'il résulte du rapprochement des
dispositions de l'article 13 du décret attaqué et des autres dispositions de ce décret
que la commission administrative d'inscription créée auprès de chaque bureau de vote et
présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire ne peut refuser d'inscrire un électeur
sur la liste des personnes admises à participer à la consultation sans avoir mis
l'intéressé à même de présenter ses observations; qu'il y a lieu de relever
également que la consultation des populations intéressées vise un corps électoral
défini dans son principe par l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988; que, comme le
prévoit l'article R. 15-2 du code électoral dont l'application est prescrite par le
décret attaqué, le pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal de première
instance peut être formé par une déclaration orale ou écrite que la partie ou tout
mandataire a la faculté d'adresser au secrétariat-greffe de ce tribunal; qu'enfin, le
décret attaqué ne fait pas obstacle à ce que puissent recevoir application les
dispositions du deuxième alinéa de l'article 47 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 sur
le Conseil d'Etat qui permettent, en l'espèce, de présenter la requête d'appel au
secrétariat-greffe du tribunal administratif;
Considérant qu'eu égard à ces divers éléments et compte
tenu de la nature des contestations susceptibles d'être portées devant les juridictions
compétentes, les délais de saisine de ces juridictions fixées par le décret attaqué
n'ont pas, nonobstant leur brièveté, porté atteinte au droit des personnes
intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction conformément aux
principes généraux du droit;
Considérant qu'en raison de la nature des questions
soumises au tribunal de première instance, le délai de cinq jours qui lui est imparti
pour statuer ne contrevient pas, par lui-même, au principe du caractère contradictoire
de la procédure;
Considérant que les contestations des requérants,
relatives à l'inscription sur la liste des personnes admises à participer au scrutin,
portent sur l'exercice de droits politiques et non sur des droits et obligations de
caractère civil au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales; que, par suite, le moyen tiré de la violation des
stipulations de l'article 6 §1 de cette convention ne peut qu'être écarté;
Considérant que les règles fixées par le décret attaqué
sont distinctes des règles applicables à l'inscription sur la liste électorale d'une
commune en dehors des périodes de révision; que, dès lors, le moyen tiré de la
violation des dispositions du code électoral applicables à cette dernière procédure et
notamment de celles de son article L. 35 sur le délai du recours en cassation, est
inopérant à l'encontre du décret attaqué;
Considérant que l'institution en matière de procédure
d'un délai de distance pour saisir une juridiction applicable aux requérants domiciliés
en dehors de la France métropolitaine, ne procède pas d'un principe général du droit
dont le respect s'imposerait au pouvoir réglementaire, même en l'absence de texte; que
si l'article 643 du nouveau code de procédure civile annexé au décret en Conseil d'Etat
du 5 décembre 1975 a institué un semblable délai, son application est, en tout état de
cause, exclue en matière d'élections, en vertu de l'article 645 du code, sauf
disposition expresse le prévoyant; que, dans ces conditions, le décret attaqué, en
s'abstenant de prévoir un tel délai, n'est pas entaché d'illégalité;
Considérant que de l'ensemble de ce qui précède, il
résulte que les conclusions tendant à l'annulation du décret doivent être
rejetées;... (rejet des requêtes de M. Sarran et de M. Levacher et autres)
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