1° esp. - Compagnie des messageries
maritimes n° 17614,
Considérant qu'aux termes de l'art. 35 du cahier des
charges annexé à la convention du 30 juin 1886 et maintenu par la convention du 5
novembre 1894 passée entre l'Etat et la Compagnie des messageries maritimes pour
l'exécution des services maritimes postaux, tout retard au départ des paquebots rend la
Compagnie passible d'une amende, sauf le cas de force majeure dûment constaté;
Considérant que les grèves partielles ou générales, qui
peuvent se produire au cours d'une entreprise, n'ont pas nécessairement, au point de vue
de l'exécution du contrat qui lie l'entrepreneur au maître de l'ouvrage, le caractère
d'événements de force majeure; qu'il y a lieu, dans chaque espèce, par l'examen des
faits de la cause, de rechercher si la grève a eu pour origine une faute grave de la part
de l'entrepreneur, si elle pouvait être évitée ou arrêtée par lui, et si elle a
constitué pour lui un obstacle insurmontable à l'accomplissement de ses obligations;
Considérant qu'à la suite de réclamations formulées par
les inscrits maritimes contre plusieurs officiers de la marine marchande employés par
diverses compagnies de navigation et de mises à l'index ayant eu pour effet d'obtenir le
débarquement de ces officiers, tous les états-majors des navires de commerce du port de
Marseille ont décidé de se solidariser et de cesser le travail tant que les compagnies,
qui avaient cédé aux menaces des inscrits maritimes, n'auraient pas réintégré dans
leur emploi les officiers débarqués;
Considérant, d'une part, que la
grève générale des états-majors de la marine marchande survenue dans ces
circonstances, n'avait pas pour origine une faute de la Compagnie des messageries
maritimes; que cette Compagnie, qui était étrangère au conflit existant entre les
inscrits maritimes et les états-majors, n'avait pas le pouvoir de la prévenir ni de
l'arrêter, qu'il n'est nullement établi qu'elle ait cherché à la favoriser, et qu'il
n'est relevé à sa charge aucun fait de nature à engager de ce chef sa responsabilité;
qu'ainsi la grève générale des états-majors a eu à l'égard de la Compagnie des
messageries maritimes le caractère d'un événement indépendant de sa volonté, qu'elle
était impuissante à empêcher;
Considérant, d'autre part, que la grève générale des
états-majors avait pour conséquence de rendre impossible le départ des paquebots de la
Compagnie et l'exécution du service postal qui lui était confié; que l'Etat n'a, à
aucun moment, offert à la Compagnie des messageries maritimes, ainsi qu'il l'a fait pour
d'autres compagnies, le concours des officiers de la marine nationale; qu'il s'agissait
pour elle, non d'une simple gêne, mais d'un obstacle insurmontable;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la
Compagnie des messageries maritimes est fondée à soutenir que la grève des
états-majors a constitué pour elle le cas de force majeure prévu par l'art. 35 de son
cahier des charges, et à demander à être exonérée des amendes mises à sa charge pour
l'inexécution de son service; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etat à lui
rembourser la somme de 64 900 F, représentant le montant de ces amendes, et à lui payer
les intérêts de ladite somme à partir du jour où le prélèvement a été indûment
effectué;... (Annulation, condamnation de l'État).
2° esp. - Compagnie générale transatlantique et Compagnie de navigation
mixte n° 18028, 18041
Considérant qu'aux termes des art. 24 et 100 du cahier des
charges annexé à la convention du 16 déc. 1896 passée entre l'État et les deux
Compagnies générale transatlantique et de navigation mixte pour l'exécution des
services maritimes postaux, tout retard au départ des paquebots rend les Compagnies
passibles d'une amende, sauf les cas de force majeure dûment constatés;
Considérant que la grève générale des états-majors de
la marine marchande du port de Marseille n'a pas eu pour effet de rendre impossible pour
les deux Compagnies l'exécution du service postal qui leur était confié entre la France
d'une part, et, d'autre part, l'Algérie, la Tunisie, la Tripolitaine et le Maroc; qu'en
effet, dès le début de la grève, l'Etat leur a offert de mettre à leur disposition,
pour assurer les services qui étaient menacés d'être interrompus, des officiers et des
mécaniciens de la marine nationale en nombre suffisant pour combler les vides existants
dans l'état-major des paquebots à la veille de partir; que la Compagnie générale
transatlantique a, en ce qui la concerne, opposé à l'offre de l'administration un refus
formel; qu'en ce qui touche la Compagnie de navigation mixte, la prétention émise par
elle de faire supporter par l'État la responsabilité générale et absolue de toutes les
conséquences pouvant résulter pour elle de la substitution des officiers de l'Etat à
son propre personnel, sans aucune distinction entre les divers risques possibles, qu'elle
qu'en fût la nature, avait pour effet de subordonner son adhésion à une condition
inacceptable pour l'État, et devait la faire regarder comme équivalant, de la part de
ladite Compagnie, à un refus, que l'offre de l'État, tout en laissant subsister des
difficultés sérieuses pour les deux Compagnies de navigation, n'en avait pas moins pour
effet, étant donné la navigation à accomplir, de faire disparaître l'empêchement
absolu qui s'opposait au départ des paquebots; que, si les Compagnies ont cru devoir
refuser cette offre en raison de la gêne et des responsabilités éventuelles qui pouvait
en découler pour elles, elles l'ont fait à leurs risques et périls; qu'elles ont perdu
par là même le droit de soutenir que la grève des états-majors de la marine marchande
a créé un obstacle insurmontable à l'exécution de leur service, et d'invoquer le cas
de force majeure pour se soustraire à l'application des clauses pénales qu'elles ont
encourues en exécution des art. 24 et 100 de leur cahier des charges;... (Rejet). |