Sur les conclusions dirigées contre la ville de Paris :
Considérant qu'il est établi par l'instruction que le coup de feu qui a entraîné la mort du sieur Lecomte a été tiré par un gardien de la paix au cours d'une opération de police générale, conduite sur un ordre du préfet de police en vue d'arrêter une voiture automobile signalée comme occupée par des personnes suspectes ; que, dans ces circonstances, la ville de Paris ne saurait être tenue pour responsable de cet accident, dont la réparation ne pourrait éventuellement être assurée que par l'Etat et que c'est, par suite, à bon droit que le Conseil de préfecture, après avoir implicitement rejeté la demande en tant que dirigée contre la ville, s'est déclaré incompétent pour connaître de ladite demande en tant qu'elle aurait mis en cause la responsabilité de l'Etat ;
Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :
Considérant que, dans ses observations sur le pourvoi, le ministre de l'Intérieur a expressément refusé de reconnaître la responsabilité de l'État dans l'accident survenu au sieur Lecomte, et que les requérants concluent à l'annulation de la décision incluse dans lesdites observations ;
Considérant que si, en principe, le service de police ne
peut être tenu pour responsable que des dommages imputables à une faute lourde commise
par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, la responsabilité de la puissance
publique se trouve engagée même en l'absence d'une telle faute dans le cas où le
personnel de la police fait usage d'armes ou d'engins comportant des risques exceptionnels
pour les personnes et les biens et où les dommages subis dans de telles circonstances
excèdent, par leur gravité, les charges qui doivent normalement être supportées par
les particuliers en contrepartie des avantages résultant de l'existence de ce service
public;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du
dossier qu'aucune imprudence ou négligence ne peut être reprochée au sieur Lecomte,
mortellement atteint par un coup de feu tiré par un gardien de la paix dans les
conditions ci-dessus relatées; que, dès lors, même en admettant que sa mort ne soit pas
imputable à une faute lourde du service de police, la responsabilité de l'Etat est
engagée dans cet accident; ... (Annulation; les consorts Lecomte sont renvoyés devant le ministre de l'Intérieur pour être procédé à un nouvel examen de leur demande et, le cas échéant, à la liquidation des indemnités auxquelles ils peuvent avoir droit; surplus des conclusions rejeté; dépens à la charge de l'Etat). |