Considérant
que, par un arrêt du 10 mars 1993, la cour d'appel d'Orléans, saisie d'un litige
opposant la société Million et Marais à la société des Pompes funèbres générales,
a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur
la validité du contrat signé le 26 novembre 1987 par le maire de Fleury-les-Aubrais
accordant à la société des Pompes funèbres générales la concession du service
extérieur des pompes funèbres dans cette commune; que la société Million et Marais
fait appel du jugement du 9 mars 1995 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a
rejeté ses conclusions tendant à ce que le contrat de concession soit déclaré non
valide;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort de la minute du jugement attaqué
que ses visas comportent la mention et l'analyse de l'ensemble des mémoires échangés;
qu'il a été suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 86
du traité instituant la Communauté européenne;
Sur les conclusions relatives à la délibération du conseil municipal de
Fleury-les-Aubrais du 30 novembre 1987 :
Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction
administrative, saisie sur renvoi préjudiciel ordonné par l'autorité judiciaire, de
trancher des questions autres que celles qui ont été renvoyées par ladite autorité;
qu'il ressort des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans que celle-ci a
entendu surseoir à statuer seulement jusqu'à ce que la juridiction administrative se
soit prononcée sur la validité du contrat de concession passé entre la commune de
Fleury-les-Aubrais et la société Million et Marais; que, par suite, les conclusions de
la requête tendant à ce que soit prononcée l'illégalité de la délibération du 30
novembre 1987 par laquelle le conseil municipal de Fleury-les-Aubrais a approuvé le
contrat et autorisé le maire à le signer ne sont pas recevables;
Sur la validité du contrat de concession :
Considérant que la cour d'appel n'a renvoyé au juge
administratif que l'appréciation du bien-fondé des moyens tirés d'une part de la
méconnaissance des règles de la concurrence tant communautaires qu'internes et d'autre
part de l'incompétence du maire pour signer le contrat; que, par suite, la société
Million et Marais n'est pas recevable à soumettre à la juridiction administrative des
moyens tirés de l'absence d'existence légale de la société des Pompes funèbres
générales au moment de la signature du contrat, de l'illégalité de la concession à la
société des Pompes funèbres générales en ce qu'elle lui attribue le monopole
d'exploitation du service extérieur des pompes funèbres de la commune et de l'absence
d'appel public à la concurrence préalable à la signature du contrat de concession;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des
pièces du dossier que le contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres
de la commune de Fleury-les-Aubrais ait été signé par le maire avant la transmission au
préfet de la délibération du 30 novembre 1987 par lequel le conseil municipal de
Fleury-les-Aubrais a autorisé le maire à le signer;
Considérant, en second lieu, qu'aux
termes de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Est nul tout
engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par
les articles 7 et 8"; qu'est prohibée, notamment, en vertu de l'article 8,
l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position
dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci; que,
toutefois, aux termes de l'article 10 : "Ne sont pas soumises aux dispositions des
articles 7 et 8 les pratiques : 1. Qui résultent de l'application d'un texte législatif
ou d'un texte réglementaire pris pour son application"; qu'il résulte de ces
dispositions que si le contrat par lequel une commune a concédé à une entreprise le
service extérieur des pompes funèbres, ne saurait être utilement critiqué à raison du
droit exclusif d'exploitation du service public conféré à cette entreprise en vertu de
l'article L. 362-1 précité du Code des communes, les clauses de ce contrat ne peuvent
légalement avoir pour effet de placer l'entreprise dans une situation où elle
contreviendrait aux prescriptions susmentionnées de l'article 8;
Considérant que si le contrat litigieux, en attribuant à
la société des Pompes funèbres générales un droit exclusif sur les prestations du
service extérieur des pompes funèbres de la commune, a créé au profit de cette
entreprise une position dominante au sens des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance,
la durée de six ans, renouvelable une fois par décision expresse, de cette convention ne
met pas la société en situation de contrevenir aux dispositions précitées de
l'ordonnance du 1er décembre 1986; que le contrat litigieux ne contient aucune clause
relative aux conditions de reprise des stocks ou à l'exploitation d'une chambre
funéraire; que la société Million et Marais n'est, dès lors, pas fondée à soutenir
que, sur ces deux points, le contrat permettrait à la société des Pompes funèbres
générales d'abuser de sa position dominante;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article
86 du traité instituant la Communauté européenne : "Est incompatible avec le
marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est
susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de
façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie
substantielle de celui-ci"; qu'aux termes de l'article 90 : "Les Etats membres,
en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent
des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire
aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94
inclus";
Considérant qu'à supposer que le contrat litigieux ait
contribué, en raison du droit exclusif qu'il comporte, à assurer à la société des
Pompes funèbres générales une position dominante sur une partie substantielle du
marché commun des prestations funéraires et soit susceptible d'affecter les échanges
intracommunautaires, ses clauses ne seraient incompatibles avec l'article 86 du traité
que si l'entreprise était amenée, par l'exercice du droit exclusif dans les conditions
dans lesquelles il lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon
abusive; que la durée d'exploitation stipulée par le contrat litigieux ne constitue pas
un abus de nature à mettre la société Million et Marais en situation de contrevenir aux
stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la
société Million et Marais n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal
administratif d'Orléans a déclaré non fondée l'exception d'illégalité du contrat de
concession passé entre la commune de Fleury-les-Aubrais et la société des Pompes
funèbres générales; (rejet) |