En ce qui concerne le
décret du 6 Mai 1939 :
Considérant que le décret du 6 mai 1939, modifiant
l'article 14 de la loi du 29 juill. 1881 sur la presse, pris en application de la loi du
19 mars 1939 qui a accordé des pouvoirs spéciaux au gouvernement, n'a pas fait l'objet
d'une ratification législative; que ni la modification ultérieure par voie législative
d'autres dispositions de la loi du 29 juill. 1881 ni la référence faite à celle-ci par
l'article 7 de la loi du 16 juill. 1949 sur les publications destinées à la jeunesse
n'ont conféré de valeur législative au décret du 6 mai 1939, dont la légalité peut
ainsi être discutée devant le juge administratif;
Considérant que la loi du 19 mars 1939 a accordé des
pouvoirs spéciaux au gouvernement et autorisé celui-ci à prendre par décret, jusqu'au
30 nov. 1939, les mesures nécessaires à la défense du pays; que l'article 14 de la loi
du 29 juill. 1881, modifié par le décret du 6 mai 1939, a donné au ministre de
l'intérieur le pouvoir d'interdire, par voie de décision individuelle, la circulation,
la distribution ou la mise en vente de journaux ou écrits, périodiques ou non, rédigés
soit en langue étrangère, soit en langue française, s'ils sont de provenance
étrangère : qu'en définissant ainsi les attributions du ministre de l'intérieur, le
décret du 6 mai 1939 n'a pas subdélégué illégalement au ministre de l'intérieur les
pouvoirs conférés au gouvernement par la loi précitée;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant que l'édition française de la revue
Tricontinental, à l'égard de laquelle a été prise la mesure attaquée, porte le même
titre que la revue éditée à Cuba et se donnant comme «l'organe théorique du
secrétariat exécutif de l'organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et
d'Amérique latine»; que les deux publications ont une présentation semblable; que la
quasi-totalité des articles parus dans l'édition française sont la traduction de textes
publiés dans la revue Tricontinental éditée à Cuba, dont la diffusion a été
interdite en France; que l'éditeur français a d'ailleurs expressément déclaré, dans
le n° 1 de l'édition française, que celle-ci reproduisait les textes les plus
importants, intégraux et sans modification, de l'édition cubaine interdite; que la revue
dont il s'agit se présente tantôt comme l'édition française de cette publication
étrangère, tantôt comme l'édition française des textes et articles contenus dans
cette publication; que, dans ces conditions, et bien qu'il ne soit pas contesté que la
société éditrice soit française, la revue Tricontinental éditée en France doit être
regardée comme étant de provenance étrangère au sens de l'article 14 modifié de la
loi du 29 juill. 1881;
Considérant qu'il résulte des
pièces du dossier que l'arrêté du 27 janv. 1969, par lequel le ministre de l'intérieur
a interdit la circulation, la distribution et la mise en vente de cette revue, n'est pas
fondé sur des faits matériellement inexacts : que, dès lors qu'elle n'est pas entachée
d'erreur manifeste, l'appréciation à laquelle s'est livrée le ministre de l'intérieur
du danger que la revue présentait pour l'ordre public ne peut pas être discutée devant
la juridiction administrative;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué
n'est pas établi; (rejet) |